jeudi 4 octobre 2007

Liberté et démocratie (Renouveau français)

Liberté
(extraits de Le procès de la Démocratie de Jean Haupt)

Liberté de pensée

Voilà, dira-t-on, une liberté qui n'est jamais en cause. Car il est évident que, dans le tréfonds de soi-même, chacun pense ce qu'il veut et comme il veut…

C'était peut-être vrai autrefois, ça ne l'est plus aujourd'hui, et cette fameuse liberté de pensée dont s'enorgueillit la Démocratie, n'est que pure illusion. Car les hommes de nos jours, quels qu'ils soient, sont soumis, heure par heure, dans la rue, dans le bureau, à l'usine, à l'atelier, dans leur travail, dans leurs loisirs et dans leurs distractions, et jusque dans l'intimité de leur foyer, par l'intermédiaire de l'image, du livre, de la presse, du cinéma, de la radio, de la télévision, à l'action constante, permanente, envahissante, déclarée ou insidieuse, brutale ou sournoise, de la propagande pandémocratique. A tel point que les esprits les mieux formés, les plus solides, les plus indépendants, en sont, malgré eux et à leur insu, influencés ; quant aux autres, ils sont facilement intoxiqués, subjugués, écrasés, anéantis, vidés. Une intelligence collective, démocratique, se substitue à l'intelligence de chacun, impose ses dogmes, ses cadres de pensées, rigides, inviolables ; la conscience universelle , démocratique, se substitue à la conscience individuelle et c'est elle qui fixe, irrévocablement, ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est beau et ce qui est laid, ce qui est légal et ce qui est criminel, ce qui est juste et ce qui est injuste, ce qui est raisonnable et ce qui est insensé. Et ce qui est vrai, ce qui est bon, ce qui est juste, ce qui est beau, c'est tout ce qui contribue à la Démocratie. Et ce qui est faux, ce qui est mauvais, ce qui est laid, ce qui est criminel ou aberrant, c'est tout ce qui est contraire à la Démocratie.

Cette contrainte ne s'exerce pas seulement sur la plan moral, sur la plan de la propagande, sur le plan de l'esprit, elle s'exerce aussi dans la pratique, sur le plan de la vie politique. En fait, l'heureux citoyen d'une démocratie a toutes les libertés, sauf la liberté de ne pas être démocrate. Pour mettre au pas les récalcitrants, on a recours à tous les moyens légaux ou paralégaux. Et quand les moyens légaux se révèlent insuffisants, on hésite pas à recourir aux moyens illégaux, à l'arbitraire, à la force. Les exemples sont nombreux, à toutes les époques et dans tous les pays. Les gouvernements dits autoritaires ne tolèrent pas les attaques contre les fondements du régime ; en cela, ils ne sont que logiques avec eux-mêmes, ils ne trompent personne. La Démocratie ne le tolère pas non plus ; en cela elle se renie elle-même et n'est à son tour qu'une dictature déguisée, la pire, la plus ignoble, la plus dangereuse des dictatures, parce que la plus hypocrite et la plus insidieuse. Les heureux citoyens d'une démocratie sont libres, comme le condamné à mort est libre de se déplacer, les chaînes aux pieds, sur les deux mètres carrés de sa cellule…[…]

Liberté de pensée, liberté d'opinion, liberté de presse, liberté de réunion, Liberté…

Il n'effleurerait à l'esprit de personne de se demander, ou personne n'oserait demander si ces libertés, en fin de compte, sont bien importantes. Car la conscience universelle et démocratique nous dit que non seulement elles sont importantes, mais encore qu'elles sont essentielles, vitales. Elles ne sont pas un moyen pour atteindre le bonheur des peuples : elles sont, en elles-mêmes, une fin , elles sont le bonheur des peuples ![…]

Non ! Les libertés démocratiques ne sont pas importantes ; elles ne sont pas essentielles à la vie, ni même – je dirais ni surtout – au bonheur des peuples. Et c'est pourquoi elles n'intéressent, ou ne devraient intéresser qu'une infime minorité de la population, quelques dizaines, quelques centaines, ou quelques milliers d'individus, suivant l'importance du pays : journalistes ou pseudo-journalistes, écrivains, artistes plus ou moins ratés, politiciens professionnels, ambitieux, spécialistes de la pêche en eau trouble. Elles n'intéressent, ou ne devraient pas intéresser les populations. Si elles les intéressent, c'est parce qu'on les a pour ainsi dire obligées à s'y intéresser. On a dit aux peuples qu'ils étaient souverains, qu'ils devaient voter. Alors, obéissant à leur tempérament, ils se sont pris au jeu, et y ont bientôt apporté toute leur passion. Mais le fait que les peuples se passionnent et se battent pour des questions politiques ne veut pas dire qu'ils y attachent une grande importance : ne font-ils pas de même pour une partie de foot-ball ?… La « liberté », la « démocratie », ce que l'on appelle communément « la politique » est comme un vice – l'alcool, le tabac – qui a été inculqué artificiellement aux peuples, qui ne correspond pas, bien au contraire, à leurs nécessités naturelles, et dont ils se débarrasseront – s'il n'est pas trop tard – le jour où ils s'apercevrons que le vice est mortel.

Ainsi, la liberté qui intéresse, ou qui devrait intéresser le paysan, c'est la liberté de cultiver son champ, pourvu que ce champ soit bien à lui ; et qu'il en retire le juste profit de son labeur, et qu'il puisse avoir, lui aussi ses moments de repos et de loisir, comme les gens de la ville. La liberté qui intéresse, ou qui devrait intéresser, l'ouvrier,c'est la liberté de travailler, pourvu que le travail lui soit garanti, et équitablement rémunéré. La liberté qui intéresse ou devrait intéresser le commerçant, c'est la liberté d'ouvrir son magasin le matin, et de ne le refermer que le soir, avec la satisfaction d'avoir fait de bonnes affaires. Or, précisément , aucune de ces libertés n'est garantie en démocratie, car la condition de ces libertés, c'est l'ordre, la discipline, la conscience professionnelle, et que la démocratie est le règne du désordre et de l'anarchie, le triomphe de l'individualisme . Et le gouvernement qui sera capable de garantir ces libertés – celles-ci, oui véritablement essentielles, vitales – n'aura pas à se préoccuper des autres.

Ramalho Ortigão, écrivain polygraphe portugais du 19 ème , début du 20 ème siècle, a analysé avec beaucoup de perspicacité et une fine ironie, en particulier dans sa publication périodique intitulée « As Farpas » ( Les Banderilles), les mœurs et la vie politique de son pays, d'abord sous la monarchie libérale et parlementaire, puis sous la République, qui, nous dit-il, doivent être mises l'une et l'autre dans le même sac. C'est à lui que j'emprunte cette phrase, quasi prophétique, si l'on songe qu'elle a dû être écrite autour de 1875 :

"Au milieu de la perturbation générale, des conflits, des dangers qui menacent les vies et les biens, l'égoïsme humain sacrifiera sans hésiter la Liberté. Car la liberté, si belle soit-elle, n'est dans la vie qu'une circonstance ; l'ordre est la condition essentielle, intrinsèque de l'existence, la garantie du travail et du pain. Qui pourra calculer le nombre de libertés que nous sacrifierons à l'ordre, le jour où le désordre commencera à nous concéder le droit au pouvoir, en nous supprimant le droit au dîner ?…"




Catholicisme et Patrie

L’enseignement des Papes sur la patrie

L’enseignement de l’Eglise sur la patrie.

Extrait du Permanences n°395.

La patrie, une nécessité

Le rejet de la patrie : une injustice

"Aujourd’hui on rencontre parfois des concitoyens qui semblent pris de la crainte de se montrer particulièrement dévoués à la patrie. Comme si l’amour de sa terre pouvait signifier nécessairement un mépris envers les terres des autres ; comme si le désir naturel de voir sa propre patrie belle, prospère à l’intérieur, aimée et respectée à l’étranger, devait être inévitablement une cause d’aversion à l’égard d’autres peuples. Il existe même des personnes qui évitent de prononcer le mot de "patrie" et qui tentent de lui substituer d’autres noms plus appropriés, pensent-ils, à nos temps. Certes, chers fils, il faut convenir que parmi les signes d’une désorientation des âmes, cet amour diminué pour la patrie, cette plus grande famille qui vous a été donnée par Dieu, n’est pas un des derniers".

Pie XII, 23 mars 1958.

"(...) la patrie est un patrimoine qui comprend non seulement une certaine réserve de biens matériels dans un territoire donné, mais est avant tout un trésor, l’unique en son genre, de valeurs et de contenus spirituels, c’est-à-dire de tout ce qui compose la culture d’une nation (...)".

Jean-Paul II, Audience aux membres de l’université Jagellone de Cracovie, 11 septembre 2000.

La patrie, notre famille

"Le développement du concept de "patrie" est étroitement lié à celui du concept de "famille" et, en un sens, chacun en fonction de la nature de l’autre. Et vous, peu à peu, en faisant l’expérience de ces liens sociaux plus larges que les liens familiaux, vous commencez aussi à participer à la responsabilité du bien commun de cette famille plus vaste qu’est la "patrie" terrestre de chacun et de chacune d’entre vous. Les grandes figures de l’histoire, passée ou contemporaine, d’une nation sont aussi les guides de votre jeunesse et elles favorisent le développement de cet amour social qu’on appelle le plus souvent "amour de la patrie"".

Jean-Paul II, Lettre apostolique à l’occasion de l’année internationale de la jeunesse, 31 mai 1985.

L’influence de la patrie sur l’homme

"La plupart du temps, les cultures se développent sur des territoires déterminés, dont les éléments géographiques, historiques et ethniques s’entrecroisent de façon originale et unique. Cette "spécificité" de chaque culture se reflète de manière plus ou moins intense chez les personnes qui la possèdent, selon un dynamisme continuel d’influences exercées sur les individus et de contributions que ces derniers, à la mesure de leurs capacités et leur génie, apportent à leur culture. En tout cas, être homme signifie nécessairement exister dans une culture déterminée. Chaque personne est marquée par la culture qu’elle reçoit de sa famille et des groupes humains avec lesquels elle est en relation, à travers son parcours éducatif et les influences les plus diverses de son milieu, à travers la relation fondamentale qu’elle entretient avec le territoire dans lequel elle vit. Dans tout cela, il n’y a aucun déterminisme mais une constante dialectique entre la force des conditionnements et le dynamisme de la liberté."

"C’est en fonction de ce rapport fondamental avec ses propres origines -au niveau familial, mais aussi territorial, social et culturel- que se développe chez les personnes le sens de la patrie, et la culture tend à assumer, plus ou moins selon le lieu, une configuration nationale."

Jean-Paul II, Message pour la paix sur "le dialogue entre les cultures", 1er janvier 2001.

La patrie, un droit de l’homme

L’importance de la patrie pour l’homme est telle que notre saint Père en fait l’une des composantes de la dignité humaine :

"La connaissance de l’homme, que l’Eglise a acquise dans le Christ, la pousse à proclamer les droits humains fondamentaux et à faire entendre sa voix quand on les foule aux pieds. C’est pour cela qu’elle ne cesse d’affirmer et de défendre la dignité de la personne, et de mettre en lumière les droits inaliénables qui en découlent. Ce sont en particulier, le droit d’avoir une patrie, de demeurer librement dans son pays, de vivre en famille, de disposer des biens nécessaires pour une vie digne, de conserver et de développer son patrimoine éthique, culturel et linguistique, de professer publiquement sa religion, d’être reconnu et traité en toutes circonstances conformément à sa dignité d’être humain".

Jean-Paul II, Message pour la 87ème journée mondiale des Migrants, mars 2001.

Aussi ne manque-t-il pas de louer le patriotisme comme une vertu : "Mgr Slomsek fut aussi animé d’un profond sentiment d’amour pour sa patrie (...). Il se propose à vous comme un modèle de patriotisme authentique".

Jean-Paul II, béatification de Mgr Slomsek (Slovénie), 19 septembre 1999.

Foi et patrie, deux réalités indissociables

Le témoignage du Christ

Dieu s’est incarné en un territoire donné, et qu’Il a aimé.

"Il existe un ordre établi par Dieu, selon lequel il faut porter un amour plus intense et faire du bien de préférence à ceux à qui l’on est uni par des liens spéciaux. Le divin maître lui-même donna l’exemple de cette préférence envers sa terre et sa patrie en pleurant sur l’imminente destruction de la cité sainte".

Pie XII, Summi pontificatus, 20 octobre 1939.

"En devenant homme, le fils de Dieu lui-même a acquis non seulement une famille humaine, mais aussi une patrie. Il est pour toujours Jésus de Nazareth, le Nazaréen".

Jean-Paul II, Message pour la paix sur "le dialogue entre les cultures", 1er janvier 2001.

Tout chrétien doit être patriote

"(...) la loi naturelle nous ordonne d’aimer d’un amour de prédilection et de dévouement le pays où nous sommes nés et où nous avons été élevés au point que le bon citoyen ne craint pas d’affronter la mort pour sa patrie (...). L’amour surnaturel de l’Eglise et l’amour naturel de la patrie procèdent du même et éternel principe. Tous les deux ont Dieu pour auteur et pour cause première".

Léon XIII, Sapientiae christianae, 10 janvier 1890.

"Si le catholicisme était ennemi de la patrie, il ne serait plus une religion divine. Oui, elle est digne non seulement d’amour, mais de prédilection, la patrie dont le nom sacré éveille les plus chers souvenirs et fait tressaillir toutes les fibres de votre âme, cette terre commune où vous avez votre berceau, à laquelle vous rattachent les liens du sang et cette autre communauté plus nobles des affections et des traditions".

Saint Pie X, allocution à des pèlerins français, 19 avril 1909.

"Si la charité s’étend à tous les hommes, même à nos ennemis, elle veut que soient aimés par nous d’une manière particulière ceux qui nous sont unis par les liens d’une commune patrie".

Benoît XV, Lettre aux évêques d’Allemagne, 15 juillet 1919.

"Nous proclamons que le chrétien ne le cède et ne peut le céder à personne dans l’amour et la fidélité véritables à sa patrie terrestre".

Pie XII, Ad apostolorum principis, 29 juin 1958.

Le service de la patrie, un devoir de justice"C’est notre devoir de rappeler à tous, encore une fois, que la doctrine catholique exhorte précisément les catholiques à nourrir un amour profond et sincère envers leur patrie, à rendre l’honneur qui leur est dû aux autorités civiles, étant sauf le droit divin naturel et positif, à leur apporter un concours généreux et actif dans toutes les entreprises qui contribuent au progrès vrai, pacifique et ordonné, à la prospérité véritable de la communauté nationale".

Pie XII, Ad apostolorum principis, 29 juin 1958.

"L’Eglise a toujours veillé à ce que ceux qui la confessent contribuent au bien de toute patrie terrestre. Nous en trouvons la preuve dans l’histoire de nombreux pays du monde. Et comme fils de mon pays, je sais dans quelle mesure je dois mon amour envers ma patrie à l’enseignement du Christ et à la mission de l’Eglise dans l’histoire de ma nation".

Jean-Paul II, à des catholiques chinois, 7 septembre 1980.

L’enracinement, condition de l’ouverture aux autres

L’amour pour notre patrie ne doit pas être exclusif ...

"Cet amour même de sa patrie et de sa race, source puissante de multiples vertus et d’actes d’héroïsme lorsqu’il est réglé par la loi chrétienne, n’en devient pas moins un germe d’injustices et d’iniquités nombreuses si, transgressant les règles de la justice et du droit, il dégénère en nationalisme immodéré".

Pie XI, Ubi Arcano Dei, 30 décembre 1922.

"Le patriotisme est en effet l’amour correct et juste de l’identité de chacun en tant que membre d’une communauté nationale déterminée. La négation du patriotisme, c’est le nationalisme. Alors que le patriotisme, aimant ce qui lui est propre, estime aussi ce qui appartient à autrui, le nationalisme méprise tout ce qui n’est pas sien. S’il ne réussit pas à détruire ce qui appartient à autrui, il cherche à se l’approprier".

Jean-Paul II, Lettre à l’archevêque de Vrhbosna (Sarajevo), 29 septembre 1993.

"C’est pourquoi l’amour de la patrie est une valeur à cultiver, mais sans étroitesse d’esprit, en aimant en même temps toute la famille humaine et en évitant les manifestations pathologiques qui apparaissent lorsque le sens de l’appartenance prend des accents d’exaltation de soi, d’exclusion de la diversité, qui se développent sous des formes nationalistes, racistes et xénophobes".

Jean-Paul II, Message pour la paix sur "le dialogue entre les cultures", 1er janvier 2001.

... mais nous ouvrir à un amour plus grand de la famille humaine

"Le légitime et juste amour de chacun envers sa propre patrie ne doit pas faire fermer les yeux sur l’universalité de la charité chrétienne, qui enseigne à considérer aussi les autres et leur prospérité dans la lumière pacifiante de l’amour".

Pie XII, Summi pontificatus, 20 octobre 1939.

"Mais l’amour de la patrie peut également dégénérer et devenir un nationalisme excessif et nuisible. Pour que cela n’arrive pas, vous devez viser bien au-delà de la patrie ; vous devez considérer le monde".

Pie XII, Allocution à la colonie des Marches à Rome, 23 mars 1958.

"Comme un milieu exceptionnel où se forme la culture de la nation, que celle-ci devienne un lieu de formation de l’esprit patriotique, d’un amour pour la patrie qui préserve son bien, mais qui ne ferme pas la porte ; qui construit plutôt des ponts, pour multiplier ce bien en la partageant à d’autres. La Pologne a besoin de patriotes illuminés, capables de sacrifices par amour de leur patrie et, dans le même temps, préparés à un échange créatif de biens spirituels avec les nations d’Europe qui s’unifient".

Jean-Paul II, Audience aux membres de l’université Jagellone de Cracovie, 11 septembre 2000.

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mercredi 3 octobre 2007

Jean Ousset

Jean Ousset

Jean Ousset (né le 28 juillet 1914 à Porto, Portugal, mort le 20 avril 1994), essayiste catholique français. Il a écrit sous plusieurs pseudonymes tels Jean Marial, André Roche, Louis Morteau, Jean-Marie Vaissière, Jacques Régnier et Jacques Haissy. Proche des milieux royalistes, il fut un idéologue du « nationalcatholicisme » français.

Sommaire


Années 1930-1940 : Action française [modifier]

Dans les années 1930, Jean Ousset milite dans la mouvance de l'Action française, le mouvement royaliste fondé par Charles Maurras. Durant la Deuxième Guerre mondiale, il devient le chef du bureau d’étude de la Jeune légion, une structure liée à la Légion française des combattants, un des bras armées du régime de Vichy du Maréchal Philippe Pétain. L'un des collègues de l'époque était François Mitterrand.

Pendant l'ocupation nazie de la France, publie deux ouvrages politiques : Histoire et génie de la France (1943) et Fondement d’une doctrine (1944).

A. Biographie de Jean Ousset

1) La jeunesse

Jean Ousset est né en 1914, le 28 juillet, à Porto (Portugal), il passe sa jeunesse dans le sud de la France, dans un petit village du Bas-Quercy, à Montalzat. Ce sont ses grands-parents qui s’occuperont de l’éducation de ce fils unique, ses parents (Eugène et Camille Ousset) étant obligés d’aller travailler à Paris. Le grand-père comme son fils sont des catholiques et des monarchistes convaincus, membre de l’Action française. Jean va passer toutes ses écoles primaires dans la commune et très tôt montre un intérêt particulier pour la littérature. Il a une grande soif de connaissances mais ne travaille qu’en fonction de ses centres d’intérêts. A 14 ans, au décès de sa grand-mère, son entourage le met en pension chez une Mme Règnier qui s’occupe d’enfants à la santé fragile. De l’aveu de Jean Ousset c’est elle qui lui donnera «l’orientation de toute sa vie » : elle va lui donner l’amour du Beau qui sera le socle de son combat pour une cité chrétienne.

A 16 ans et demi il entre en pension chez les Dominicains qui tiennent le collège de Saint-Elme. C’est à cette occasion qu’il va faire connaissance avec Jean Masson, futur fondateur avec lui de la Cité catholique. Ce passage de sa vie lui donnera comme il le dit dans ses mémoires : « (…), un irréductible amour de ma patrie, la France (…) et en grand respect devant l’importance du fait religieux. » Ousset a un tempérament anti-conformiste et est rebelle à toute autorité, ce qui l’amène a être souvent remis à l’ordre. C’est un étudiant studieux, cultivé, mais qui manque son bac. « Il travaille plus que les autres mais dans des directions qui n’ont rien à voir avec ce qu’il est indispensable d’apprendre quand on tient à passer par les portes dont seuls les diplômes officiels ouvrent les clés. » Son père qui s’inquiète pour son avenir lui trouve un travail dans l’artisanat (fabrication de chapeaux). Travail qu’il va abandonner très vite pour se consacrer à sa passion : l’art. Il va partir pour Bordeaux suivre des cours de peinture et de sculpture. Va s’ensuivre une période de crises et de désarroi avec un avenir plus qu’incertain.

Il va accomplir de nombreuses lectures et au fil de celles-ci la flamme va renaître. L’ouvrage d’Ernest Psichari « Le voyage du Centurion » va donner un élan nouveau à son être, « comme serviteur de vérités enracinées, moralement. Spirituellement. Charnellement ; et historiquement sanctionnée ». Pour réaliser cet objectif il va avancer son service militaire, et passer trois années au sein du 9ème bataillon de chasseurs alpins. Les séjours qu’il va effectuer en haute montagne vont lui permettre de retrouver la sérénité. A la fin de son temps de service, bien qu’ayant la possibilité de poursuivre au sein de la grande muette, il retourne chez son grand-père qui habite, suite à la perte de sa femme, à Septs-Fonds.

En 1934, il a 20 ans après ces trois ans de séparation il va renouer avec ses amis : Jean Masson, Pierre Sournac, Jean Rochet et les frères Maillet… Tous font partie d’une ligue que se soit: les Jeunesses patriotes, l’Action française, les Croix de Feu… Ces jeunes gens sociologiquement, idéologiquement et religieusement disparate se trouvent cristallisés autour d’événements survenus à cette époque :

- Le phénomène de la « main tendue » par les communistes aux catholiques, qu’ils considèrent comme contre nature.

- La guerre d’Espagne qui les divisent. Ousset et Masson se heurtent avec virulence sur le sujet. Ousset prenant le soutien des Nationalistes et Masson pour les Rouges.

C’est l’Abbé Choulot qui va prendre en charge la formation doctrinale du groupe et permettre aux discussions de prendre une direction moins anarchique. C’est le charisme, la fougue du jeune abbé qui va orienter le combat d’une partie des pionniers de la Cité catholique. Malgré des divergences assez nettes au début, Ousset parviendra à rassembler les hommes autour d’un fond commun, en faisant abstraction des désaccords sur l’accessoire. Ces jeunes gens s’inquiètent de l’influences grandissante de philosophies révolutionnaires qui veulent faire table rase de l’influence chrétienne. Durant ses études, Jean Ousset ouvrier à l’usine pour s’assurer un revenu, va découvrir les méthodes de fonctionnement du parti communiste, sa « dialectique » et son influence sur les ouvriers. Il va s’en inquiéter et vouloir réagir. La fréquentation d’un milieu fortement touché par les thèses révolutionnaires marxistes, puis les discussions qu’il aura avec son codétenu communiste, lors de son emprisonnement en Allemagne pendant la guerre, auront une grande importance sur ses engagements futurs. Les théories développées par les communistes vont profondément conforter Ousset dans sa foi et dans la mission dont il se sent investi.

Le déclic va se réaliser à Bordeaux en avril 1939 (Jean Ousset a 25 ans), où il effectue un certificat de capacité en droit. Toujours à la recherche d’un petit boulot pour payer ses études il va trouver une place de secrétaire personnel pour la rédaction de discours. Lors d’un cycle de conférences il se fait remarquer pour la qualité de son exposé par Charles Maurras qui le place à la une de l’Action française du lendemain. Le fondateur du principal mouvement politique de droite en France avant la Première Guerre mondiale va quelques années plus tard lors d’une de ses dernières apparitions publiques désigner Jean Ousset comme l’un des plus sûrs continuateurs de son œuvre intellectuelle et morale, l’autre étant Jean Arfel (Jean Madiran). Lors d’un entretien que Jean Ousset aura avec Maurras, celui-ci lui dira : « Toutefois, si vous cherchez une doctrine, soyez certain qu’il n’y a de doctrine vraie que catholique. Si donc vous êtes catholique, ne le soyez pas à moitié ! » Cette affirmation met fin aux hésitations du petit groupe qui se réunit toujours à Montalzat. Ils sont déterminés à se réclamer ouvertement de la doctrine catholique. Le 15 août 1939, devant la Sainte Vierge, ils forment le vœu de consacrer leur vie « à servir la France et l’Eglise par une œuvre de formation doctrinale et d’éducation à l’action de cadres politiques et sociaux efficaces ».

== Après-guerre : Cité catholique

C’est le 29 juillet 1946, à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre que trois hommes (Denis Demarque, Jean Masson et Jean Ousset) vont consacrer leur projet au Christ Roi. Le même jour, l’œuvre nouvelle était mise sous la protection de la « Reine du Monde », en la chapelle de la Médaille miraculeuse, rue du Bac. La Cité Catholique était née sous son premier nom de « Centre d’études critiques et de synthèse ». La volonté des fondateurs est de créer un organisme de laïcs agissant sous leur responsabilité civique à l’avènement d’un ordre social chrétien. Cette œuvre laïque doit professer et diffuser à travers ses membres, la doctrine sociale de l’Eglise catholique plutôt qu’une doctrine personnelle. C’est grâce au droit que reconnaît la hiérarchie romaine à tout catholique de prendre des positions politiques particulières que La Cité Catholique exercera cette liberté afin de répandre sa méthode et son action. Jean Ousset et Jean Masson connaissent d’ailleurs des fondements politiques différents, le premier a une formation plutôt traditionnelle et maurassienne, le second vient de la démocratie chrétienne. Par son activité au sein du monde l’oeuvre ne prétend pas représenter l’Eglise, mais s’en faire l’écho « … au plan de ces affaires sociales, civiques ou politiques que le naturalisme et le laïcisme révolutionnaire ne cessent de pénétrer» .

De 1946 à 1963 la Cité catholique malgré des débuts difficiles va se développer constamment. Puis victime de son succès et d’attaques incessantes, les fondateurs vont prendre la décision de cesser l’activité de l’organisation et fonder l’ « Office international des œuvres de formations civiques et d’action doctrinale selon le droit naturel et chrétien ». Ce nom se veut volontairement imprononçable, même par le jeu des initiales, pour éviter que ses membres ne se cachent derrière une étiquette. Après deux années de mise en route, le centre va constituer l’unité doctrinale, le service de formation et de synchronisation autour duquel une multitude d’associations vont graviter. Une autre raison de ce passage de la Cité catholique à l’Office est la volonté d’avoir un dispositif plus adapté au développement international qu’elle connaît. Le but n’a pas varié, néanmoins Jean Ousset s’est rendu compte que l’on ne pouvait simplement se contenter d’éclairer l’intelligence par la doctrine de l’Eglise, mais qu’il fallait la répandre en l’enseignant. La revue aussi va s’adapter, Verbe sera remplacé par Permanences dont le contenu est moins dogmatique et traite plus régulièrement de l’actualité.

5) L’Office international des œuvres de formations civiques et d’action doctrinale selon le droit naturel et chrétien

L’Office va connaître un grand rayonnement tant en France qu’au niveau international. Le premier congrès a lieu en 1964 en Suisse dans le canton du Valais, à Sion. Puis de 1965 à 1977 ils se dérouleront à Lausanne . Deux mille cinq cents à quatre mille personnes, toutes nationalités confondues (il y aura jusqu’à 17 représentés en une seule et même fois, 26 si l’on comptabilise tous ceux qui ont participé à l’un des congrès de Lausanne), se retrouvent trois jours durant au palais Beaulieu: occasion pour des animateurs d’oeuvres très variées, parfois opposées, d’harmoniser et de concerter leurs actions (tous les mouvements, associations, journaux catholiques et plutôt traditionnels sont représentés par un stand ). A ce rassemblement international annuel, l’on peut y entendre, en séance plénière, l’élite de l’intelligentsia catholique (surtout francophone) : Marcel De Corte, Jean Madiran, Marcel Clément, Louis Salleron, Gustave Thibon, etc. Le journaliste du Monde lui-même, venu en observateur, constate le 13 avril 1977 : « Trois jours durant, le palais Beaulieu de Lausanne a sans doute renfermé la documentation contre-révolutionnaire la plus importante d’Europe. »

Des remous vont secouer l’Office au cours des années 70/80. Les divisions suscitées par le Concile Vatican II au sein de l’Eglise vont avoir des répercussions chez les militants du combat civique. Un certain nombre de sympathisants demande à Ousset de prendre position sur les querelles liturgiques. Il opposera toujours un non catégorique : « Je refuse de m’engager dans les combats qui se sont développés dans l’Église, l’Office ne croit ni possible ni souhaitable (par son statut et ses structures mêmes) de s’engager en matière de liturgie, d’exégèse, de catéchèse, etc. » Ainsi peu à peu vont s’écarter de l’Office un bon nombre d’hommes et d’associations représentatifs du courant catholique et national, à commencer par Jean Madiran .

Jean Ousset va peu à peu laisser le « commandement du navire » dès 1973. Il fait un constat amer : la subversion, dit-il, a changé de forme. Elle prend de plus en plus l’aspect d’une guerre culturelle dans laquelle tous les moyens de modeler les sensibilités sont mobilisées pour changer la nature même de l’homme et, par voie de conséquence, celle de la société. Ce qui est à combattre n’est donc plus de l’ordre de la vérité ou de l’erreur, c’est un climat corrupteur. « Refusant d’être dupe des succès de Lausanne, j’eus à traverser, je l’avoue, une des plus douloureuses périodes de ma vie (…). N’y voyant pas assez clair, l’idée me vint d’aller dans les milieux les plus divers, étudier comment s’y prendre pour atteindre ceux de nos frères français qu’il nous avait été impossible d’approcher jusque-là. Trop d’affection me retint, je l’avoue. Mais, enfin, je partis ».

Mais l’Office justement, après quinze ans d’un travail qui a permis de créer en de multiples domaines des îlots de résistance à la Révolution galopante est mal en point : les divergences, parfois irréductibles, entre les membres de l’équipe dirigeante sur les moyens à adopter pour faire avancer au mieux la cause du Christ-Roi, dans la France des années septantes, l’ont profondément secoué. Et même si la machine, bien qu’un peu essoufflée, tourne encore, Jean Ousset, perpétuel insatisfait, estime qu’il est préférable de lui porter un coup d’arrêt définitif. L’action culturelle, à laquelle il tient tant, et dont le bien fondé est contesté par beaucoup, séduit toute une partie de la jeune génération. C’est ainsi qu’en 1981, une équipe de jeunes disciples, groupée autour de J. Trémolet de Villers et de Jean-Marie Schmitz, recueille l’ensemble des expériences de Jean Ousset et sous son égide, fonde ICTUS (Institut culturel et technique d’utilité sociale). ICTUS s’attache à renouveler le « cursus » de formation politique et sociale, en développe la dimension historique, et enfin, y ajoute la dimension culturelle par une approche pratique qui soit une « éducation civique, sociale, nationale et religieuse par le Beau ».

Jean Ousset participa jusqu’au bout de ses forces au développement de cette action pour que l’équipe continue l’oeuvre dans une stricte fidélité au dessein initial. C’est au cours d’une visite au Louvre, qu’il organisait pour quelques animateurs, qu’il est victime d’une attaque cérébrale. Il meurt le 20 avril 1994.

B. L’intellectuel ou homme du concret au service du Beau, de l’Amour et de l’Eglise

Jean Ousset fonde son action en faveur de l’Eglise et du règne social du Christ sur terre par son amour du Beau. Son âme d’artiste vient en support au message dispensé par l’Office. Puisque les vérités abstraites rebutent, il faut toucher les cœurs, élever les sentiments, faire admirer et connaître les splendeurs de la civilisation chrétienne. La Beauté a un caractère d’universalité, ainsi tout chose n’est pleinement belle que si elle s’insère totalement dans l’ordre divin, seule perspective dans laquelle elle prend sens et plénitude. Pour lui la Beauté est joie de l’esprit, et il va de soi qu’elle ne doit pas d’abord s’adresser aux sens. Un art passionnel est condamné à n’être qu’un art individuel, énigmatique et par-là même élitiste. Le rôle de l’art n’est-il pas de favoriser une plus grande communion. « N’est communicable dans le « moi » que ce qui appartient à l’homme universel ». Pour lui il est indispensable de revenir au critère du Beau dans le domaine du jugement, et en particulier au sein de l’école moderne qui tend à le classer au rayon des vieilleries. « Je passe pour un doctrinaire. Alors qu’au fond de moi je ne considère la doctrine que comme un squelette. Image de la mort, tant qu’on ne l’enrobe pas des masses musculaires chaudes et souples qui, seules, peuvent l’animer (…). L’objet de mon désir : la contemplation amoureuse de la beauté, de l’harmonie des êtres et des choses ! Car les « démons » de ma jeunesse ne m’ont jamais lâché, malgré la muselière que j’ai essayé de leur imposer. Loin de s’être tus, ils sont toujours là. Toujours à la charge. »

Jacques Trémolet de Villers (le successeur et ami de Jean Ousset) le décrit dans la préface de l’ouvrage de Raphaëlle de Neuville comme d’abord un artiste, un dessinateur, un peintre. Les constats qu’il faisait ne venaient pas d’une déduction théorique de doctrinaire, mais de l’observation de la réalité. Il avait, sur les choses et les gens, un regard terriblement aigu et qui se trompait rarement. Il était comme on dit, lucide, ce qui,parfois le faisait passer pour un sceptique ou un désespéré. Il avait horreur de l’illusion. Ce qu’il avait vu avant la dernière guerre et dont le temps passé ne corrigeait pas les données, c’était la division extrême, l’absence du moindre souci de complémentarité entre les forces de ceux qui auraient dû se trouver unis pour le salut de la société. Il répétait souvent cette phrase de Jacques Bainville, qui lui semblait résumer la situation de la France, depuis l’avènement du phénomène révolutionnaire : « Les gens de gauche s’entre-tuent, certes, mais c’est pour la conquête du pouvoir, tandis que les gens de droite s’envoient de la boue au visage, pour rien.»

On retrouve sa pensée sur l’Amour et la relation de l’homme et de la femme dans un de ses ouvrages intitulé : « Amour ou sexualisme ? ». Le couple pour lui doit être à l’image de l’union du Christ et de l’Eglise, ce qui montre bien le haut de degré auquel le mariage chrétien est appelé à se situer.

« L’homme et la femme ont chacun un rôle qui lui est propre, et s’il n’est pas question de supériorité de l’un ou l’autre, il est tout aussi illusoire de prétendre à l’égalité. Chaque être doit se tenir à sa place ».

« Tout ce qui tend à réduire l’amour humain aux seules pulsions de l’instinct, à la seule poursuite d’un plaisir strictement animal, est indigne de l’homme. Et par là même, minable et scandaleux; la plénitude de l’amour humain ne pouvant être un simple accouplement de bêtes, mais l’union émerveillée de deux «personnes », hautement reconnues pour telles. Amour fait d’attirance, de fusion et d’ivresse charnelle, certes, mais qui peuvent et doivent être désirées, entretenues, renouvelées, par ce qui est bien supérieur au simple instinct animal. Autant dire un véritable amour humain.

« Amour dont le caractère spécifique ne peut pas ne pas être dans une authentique union des coeurs, des esprits et des âmes…; dans une harmonie suffisante des sensibilités, la complaisance des caractères, une relative correspondance des goûts »

Pour lui la morale n’est qu’un « code pour mieux aimer » et elle n’a de sens que parce qu’elle permet à l’amour humain d’atteindre sa plénitude et l’harmonie d’un ordre vraiment divin. Il s’élève d’autre part contre les accusations de pudibonderie dont la morale catholique fait les frais. Raphaëlle de Neuville dans son livre fait remarquer que l’Église catholique n’a jamais considéré les plaisirs de la chair comme illégitimes. C’est le luthéranisme (le calvinisme ) et le jansénisme qui sont coupables d’avoir créé un état d’esprit excessivement rigoriste en la matière. Il ne faut pas séparer ce que Dieu a uni : les réjouissances charnelles appartiennent au cycle de l’amour humain tel que Dieu l’a voulu. Prétendre que l’acte sexuel est ordonné uniquement à la procréation et que la recherche du plaisir se situe loin derrière ce noble dessein, c’est ignorer tout de la plénitude harmonieuse de l’union amoureuse .

L’Eglise est la garante de la doctrine et de l’Evangile : elle se charge d’en fixer le sens et d’en expliquer la pensée, « autrement il y aurait autant d’Evangile que de différente passion ». Jean Ousset va définir plus précisément sa relation avec la mère l’Eglise dans un texte : « Pagaille dans l’Eglise ou mystère de la Croix ». A travers le dialogue qu’il a avec un officier (qui est lui-même en réalité), il manifeste sa tristesse face aux profondes divisions qui déchirent l’épiscopat et le clergé français à l’égard de l’enseignement du Saint-Siège. Cela l’a particulièrement perturbé car il a beaucoup souffert pour l’Eglise et par l’Eglise. Il reconnaîtra que le soutien de nombreux prélats l’ont conforté dans sa tâche pour le plus grand bien de la Cité catholique. Rome a suivi les développements doctrinaux de l’œuvre à travers le préfet du Saint Office , le Cardinal Ottaviani, chargé auprès du Saint-Père de toutes les questions doctrinales. Lors des Congrès, le Pape Pie XII est intervenu en personne à plusieurs reprises par des messages personnels adressés à Jean Ousset.




Musée Roubaisien

La Piscine, Musée d'Art et d'Industrie de Roubaix,

Entrée : 23 rue de l'Espérance 59100 ROUBAIX
adresse postale : 24, rue des Champs
Situation : entre l'Hôtel de Ville et la Gare de Roubaix

Tel : 03 20 69 23 60 Fax : 03 20 69 23 61 site http://www.roubaix-lapiscine.com/
lapiscine.musee@ville-roubaix.fr
Ouvert tous les jours, sauf lundi, du mardi au jeudi 11h-18h, vendredi 11h-20h. Samedi et dimanche 13h-18h. Fermé certains jours fériés, se renseigner au musée.
Entrée : 3 € (plein tarif individuel) pour les collections permanentes/ 2 € (tarif réduit). 3 € pour les expositions temporaires (plein tarif individuel). Billet groupé, collections + expositions, 5 € (plein tarif individuel), 3 € (tarif réduit). Entrée gratuite pour les moins de 18 ans et le 1er dimanche du mois (collections permanentes uniquement).

La Piscine, Musée d'Art et d'Industrie de Roubaix

La Piscine, Musée d'Art et d'Industrie de Roubaix

Le Musée est implanté depuis l'automne 2001 sur le site de l'ancienne piscine municipale qui est un exceptionnel bâtiment art-déco. Cette piscine fut construite entre 1927 et 1932 par l'architecte Albert Baert à l'initiative du maire de l'époque, Jean Lebas.

Aujourd'hui inscrite au patrimoine du XX siècle, cette piscine offrait à la population de Roubaix un service sportif et hygiénique de grande qualité.

Fermée depuis 1985, pour des raisons de sécurité. La Piscine, reconvertie par l'architecte Jean-Paul Philippon, abrite maintenant, sur son site exceptionnel, le Musée d'Art et d'industrie de Roubaix.

LA PLUS BELLE PISCINE DE FRANCE : ROUBAIX


Un musée qui est à lui-même son chef-d'œuvre.Musée d'Art & d'Industrie de Roubaix
Les visiteurs sont catégoriques : c'est un lieu « magique » que cette splendide piscine Art déco construite dans les années 1930 quand Roubaix était encore la capitale glorieuse du peignage et du délainage. Restaurée de fond en comble et rendue à sa splendeur passée, la Piscine abrite désormais une collection exceptionnelle d'arts appliqués à l'industrie.
La Piscine, fait une pirouette très arts-éco pour intégrer la culture dans la société
Cette ancienne piscine est restée une piscine. Elle est la pièce maîtresse de la mise en valeur du centre historique de Roubaix.
A elle seule l'histoire de La piscine est exemplaire. Roubaix est une ville industrielle, qui doit sa puissance à quelques grandes familles d'entrepreneurs industriels, mais aussi à une tradition ouvrière et syndicale toujours active. Ce double aspect de fierté industrielle teintée de paternalisme et de culture populaire tenace donne sa personnalité à la ville et à son nouveau musée.

Musée d'Art & d'Industrie de RoubaixEn 1922, la municipalité charge l'architecte Albert Baert (qui a déjà fait ses preuves avec les Bains Dunkerquois) de construire la plus belle piscine de France. L'ambitieux projet aboutit en 1932, traversant toutes les difficultés financières. C'est le triomphe de l'architecture hygiéniste ("un esprit sain dans un corps sain") et de l'effervescence décorative des années trente. Un palais pour le peuple d'un style composite unissant pour le meilleur des apports byzantins et mauresques à la splendeur décadente de vitraux, d'émaux baindaires et de mosaïques. Une réussite fabuleuse qui fait de ce bâtiment - à la fois piscine sportive et établissement public de bains-douches - un actif centre de vie et un lieu de rencontre ludique. Outre le magnifique bassin en céramique de la piscine, le bâtiment comprenait également un jardin, des baignoires réparties en petites cellules sur deux étages, mais aussi un salon de coiffure, de manucure et de pédicure, des bains de vapeur et une laverie industrielle

Hélas, les équipements sportifs résistent mal aux outrages du temps, aux exigences techniques et à la surenchère des normes de sécurité. La piscine est fermée en 1985. Mais il n'est pas question de démolir cet ensemble cher au cœur des Roubaisiens. En 1990, le Conseil municipal et la Direction des musées de France se mettent d'accord sur le projet un musée dans le bain. Un concours international est lancé. Le jury choisit la proposition de Jean-Paul Philippon. Respectueux de "I'âme du site", il y déploie avec tact les collections d'art et d'histoire, qui rendent justice à toutes les composantes de l'histoire mouvementée de la Région. Les travaux s'échelonnent de janvier 1998 à la fin de l'automne 2001. Aujourd'hui, le visiteur ne peut que se féliciter du choix du jury et de la clairvoyance du concept "un musée dans le bain".

" La Piscine " à Roubaix


La salle maîtresse du musée est évidemment celle de la piscine. L'eau est toujours là. Elle est déversée par la gueule du "lion",une figure de Neptune et elle remplit le bassin olympique de 50 m. Des planchers en gradins nouvellement installés forment un promenoir au bord de l'eau.
La collection Beaux-Arts est exclusivement consacrée aux XIXe et XXe siècles. Elle est organisée de façon chronologique et thématique. On y retrouve de la peinture, de l'échantillon textile, de la céramique, du mobilier, de la photo et de la sculpture.

Musée d'Art & d'Industrie de RoubaixLe visiteur déambule parmi les statues, aguiché par les sirènes, baigneuses, danseuses et belles méditantes de pierre et de bronze. Des hommes veillent sur elles : bûcheron, semeur ou athlète. Toutes ces oeuvres, de taille humaine, témoignent de l'école française de sculpture du milieu du vingtième siècle, école qui n'a été esclave d'aucun mouvement d'avant-garde, mais qui a sereinement assuré la continuité de la tradition figurative du dix-neuvième siècle. A part le grand Robert Wlérick, il n'y a pas de nom à citer. Cet ensemble de qualité, dont ne s'élève pas d'œuvre vedette, crée la beauté et l'unité de cette piscine-galerie au décor fastueux.

Surprise durant la visite :l'ambiance sonore rétro, les cris des baigneurs d'antan retentissent régulièrement, et il suffit de fermer les yeux pour imaginer les lieux au plus fort de leur fréquentation passée...

Cette Galerie de sculptures décoratives est entourée par un grand nombre de petites pièces claires, quiMusée d'Art & d'Industrie de Roubaix : Remy Cogghe " Le combat de Coqs en Flandre 1889 s'emboîtent les unes dans les autres en une trame serrée : anciens vestiaires, salles de bain, cabines de douche. Les collections du musée y sont présentées par variations chronologiques, dans un parti pris thématique quelque peu sec. Évidemment, il n'y a pas d'œuvres majeures, à quelques exceptions près. Dernier venu, le musée de Roubaix n'a pu récolter que les miettes des trésors rassemblés par les barons industriels du Nord, répartis entre Douai, Lille, Tourcoing et Valenciennes. Mais ces miettes sont plaisantes, elles illustrent l'histoire de la Région et les goûts qui dominaient au fil des époques. On passe du sourire à l'émotion, traversant le kitsch néo-académique, I'orientalisme pimenté d'érotisme, le populisme bon enfant des artistes que l'on n'appelait pas encore des "témoins de leur temps". On découvre l'œuvre d'un maître de Roubaix, Jean-Joseph Weertz, (1846-1927), auteur entre autres d'un phénoménal Marat assassiné, grande machine historique et dramatique. Parmi les chefs-d'œuvre présentés, il y a La petite châtelaine de Camille Claudel. Une section d'art plus récent s'illumine des dernières lueurs de l'impressionnisme et des feux des Fauves. Dans le rayon sculpture, Rembrandt Bugatti est l'épicentre d'un élégant ensemble de représentations animales.

Musée d'Art & d'Industrie de RoubaixLa partie industrielle de La Piscine garde la mémoire de l'art et du savoir-faire des filatures de Roubaix : échantillons de textile, cartons, modèles et maquettes de mode depuis la grande époque des arts-déco jusqu'au design contemporain (Garouste et Bonetti). Elle est complétée par une tissu thèque qui s'adresse aux professionnels.
Une affirmation de l'âme textile de la ville, portrait d'une cité industrielle bâtie au XIX° et XX° siècles.

Ce musée est accueillant, facile d'accès, d'esprit ouvert. Il s'adresse à tous et à chacun, quelle que soit sa culture de départ ou son niveau d'instruction, comme insiste Bruno Gaudichon, conservateur en chef. Sa présentation n'a rien de savant. Elle fait glisser en douceur de l'évocation des plaisirs aquatiques à ceux des sens, puis à ceux de l'art. Et des animations pour grands et petits sont prévues dans la conception même du musée : males à jeux dans les bancs de certaines salles, espace de découverte tactile, espace sonore...

Le socialisme, l’individu et l’argent

Le socialisme, l’individu et l’argent


[NOTE : dans cette étude, on désigne par "socialisme" le socialisme marxiste ou marxisant, qui a toujours été largement prédominant]


On peut constater que les vicissitudes de l’Histoire suivent un cours conditionné étroitement et de façon sous-jacente par la force des principes.

Ceux-ci imposent de façon évidente leur logique aux décisions de la vie politique des nations.
Il s’agit ici de souligner la contradiction intrinsèque du socialisme et des ses complices que sont le libéralisme et le communisme, aboutissement logique du socialisme. Ces trois idéologies sont les filles de la Révolution issue des sophismes des pseudo-philosophes dit des « lumières ».

En chargeant l’Etat de pourvoir au bonheur de l’individu, on finit par détruire les liens sociaux concrets, dans la famille, au travail, dans la vie locale ; de là une fausse solidarité réduite à des aides financières.
Dans le socialisme comme dans le libéralisme, c’est donc toujours l’argent qui est destiné à régir une société vouée à disparaître, puisqu’elle méconnaît les fondements divins de toute société durable, à l’origine de toutes lois naturelles et surnaturelles qui régissent les choses créées jusqu’aux sociétés.

On peut constater que le socialisme ne cesse de se développer en France. Pourtant ce fait n’est pas dû au génie des sicaires et thuriféraires de la religion socialiste, ni non plus à la sottise des libéraux qui le combattent.
C’est plus simplement à cause de la logique commune des « valeurs » dont les uns et les autres se réclament identiquement et de façon symbiotique.
Socialistes et libéraux ont les uns comme les autres le culte idolâtrique de l’individu, comme un absolu auquel il faut à tout prix se référer, croire et adhérer.
A ce titre donc, ils visent tous l’égalité maximale des individus entre eux dans la société.
Or comme l’expérience et l’observation le démontrent, le principe égalitariste est un principe antithétique, c’est à dire fondamentalement opposé à ce que génère et réclame l’ordre des choses naturel et surnaturel.

Quoiqu’il en soit dans cette course à l’égalitarisme forcené, la religion libéraliste (libéralisme) part battue d’avance face à la religion socialiste (socialisme).
En effet, à la différence du socialisme, le libéralisme privilégie l’économie de marché qui est facteur d’inégalité.
Il doit pour réaliser l’égalité, faire de l’étatisme quand il est au pouvoir.
Il chausse donc les bottes du socialisme au moment même où il prétend s’y opposer.

Le jeu démocratique, ferment de démagogie et d’hypocrisie politicienne pour la conquête et la conservation du pouvoir à l’insu des masses manipulées, conduit le libéralisme à constamment donner à l’« égalité » la primauté sur la « liberté ».

On peut s’étonner, dans ces conditions, que le socialisme ne soit pas au pouvoir dans les institutions étatiques.
La raison en est simple et elle est double :

- D’une part, puisqu’il gagne à tout coup dans le jeu de ping-pong et de « je te tiens par la barbichette », au sein de l’opposition, dans le grand mick-mack démagogique et manipulé de la démocratie.
Il se satisfait, par ailleurs, parfaitement, d’un pouvoir effectif et opérationnel au pouvoir de droit qu’il aurait acquis « légitimement » par voie des urnes, au gouvernement.
Mais il ne saurait exercer durablement ce dernier, pris en sandwich entre la menace de faillite générale qu’implique son programme utopique et les surenchères communistes qui, défiant la raison et l’intelligence, le paralyseraient.

- D’autre part, dans l’opposition même, le communisme refuse de tirer pour lui les marrons du feu et s’amuse à faire trébucher son comparse socialiste chaque fois que le pouvoir est à portée de la main de ce dernier.

Les contradictions du libéralisme sont claires, mais celles du socialisme, hydre aux multiples visages, plus subtiles, sont moins généralement aperçues.

En ce qui concerne le socialisme français, outre la coupure entre communistes et socialistes, les tendances qui se manifestent en son sein constituent parfois des divergences fondamentales.

Une contradiction radicale caractérise cependant le socialisme dans son essence même.
C’est sa prétention à vouloir consacrer la primauté de l’individu par le maximum de pouvoir, et si possible par la totalité du pouvoir.
C’est à dire que l’Etat socialiste doit être toujours et partout l’omnipotent social, régisseur de la vie des individus, sous prétention de leur plus grand bien.
Bien étant entendu comme l’érection de l’individu comme idole déifiée.

Voilà pourquoi le socialisme mène toujours avec certitude aux totalitarismes, avec le biais ou pas de son superlatif extrême, le communisme.

Le communisme, qui n’est plus que le socialisme poussé à son terme logique, est d’accord avec le socialisme pour faire de l’Etat l’instrument du « bonheur » des individus. Mais poussant à son comble la logique du socialisme, il donne à l’Etat la totale propriété des moyens de production et prive de liberté les individus en les asservissant à l’Etat par leur salaire et leur emploi.

Tout ceci montre à quel point ces trois idéologies se soutiennent, conspirent et s’apportent mutuellement dans leur symbiose macabre, les moyens de ronger nos pays par un processus implacable de socialisation, moteur de la décadence et de dégénérescence de nos nations.

Dans le socialisme, la contradiction entre son individualisme et son étatisme est manifeste, mais elle n’étonne guère parce que le libéralisme nous y a depuis longtemps habitués.

Cette contradiction est encore plus éclatante entre son mépris affiché de l’argent et le culte plein de convoitise qu’il lui rend, pour lui-même bien sûr, et comme seul et dernier lien social.

Partons ici de la référence communiste.
Marx identifiait le règne de la bourgeoisie à celui de l’argent. Vérité de la Palisse, puisque depuis la nuit des temps civilisés, le pouvoir de l’argent a toujours existé.
Mais dans la hiérarchie sociale de la chrétienté, ce pouvoir s’effaçait.
Pourquoi ? Et bien parce qu’entre Dieu et Mammon (le veau d’or, l’argent), la chrétienté avait choisi.
Le pouvoir de Mammon pouvait être considérable dans la réalité, mais le pouvoir légitime était de Dieu.

Omnis potestas a Deo, le pouvoir temporel suprême, celui du Roi, outre les mille limitations sociales qu’il connaissait, était fondamentalement limité par la loi divine.
La distinction établie entre le Clergé, la Noblesse et le Tiers-état correspondait à une hiérarchie de valeurs, principe tripartite calqué de façon instinctive puis raisonné sur le modèle de la perfection trinitaire divine, avec toutes les imperfections de la nature déchue de l’homme et des sociétés qu’il compose.
Ce principe tripartite a toujours fait force de loi depuis l’origine de l’histoire des peuplades indo-européennes jusqu’à la Révolution de 1789, Révolution du parti de l’étranger.
Il a trouvé sa pierre d’angle, sa clé de voûte et sa substance verticale et transcendante à travers le seul catholicisme romain.

On y trouve :
- le service de Dieu, à travers l’ordre de ceux dont la mission principale est de prier.
- Le service de la communauté par le don du sang, mission de l’ordre de ceux qui combattent et défendent la cité par le sacrifice de leur vie, de leur sang.
- Le service de cette communauté par la production des biens essentiels à la vie, mission principale de l’ordre de ceux qui travaillent la terre et en tirent le produit de subsistance de la cité.

Et l’argent n’entrait pas en ligne de compte pour déterminer et infléchir cet ordre.

A noter que dans l’histoire antique des Européens, il était fréquent que ceux-ci occupent tour à tour les deux dernier ordres selon ce qu’exigeait la situation du moment. On pourrait penser à l’exemple des vikings qui était des guerriers paysans et des paysans guerriers, même s’il y avait une répartition et une hiérarchie d’ordre déjà établie.

Dans l’activité économique elle-même, la production l’emportait sur le commerce, et le commerce des biens sur celui de l’argent.
L’ordre de l’économie était celui de la justice. Il y avait le juste prix et le juste salaire. Tout métier (ministerium) était un ministère, un service. L’intérêt (Usura) était condamné comme usure, ou limité dans le service de la production.
La Révolution, en renversant la monarchie, renversait surtout l’ordre des valeurs de l’Ancien Régime et par lui, le vieil ordre traditionnel et ancestral intrinsèque et nécessaire à nos peuples européens.
Elle mettait l’Homme devenu un « golem », à la place de Dieu, comme principe et fin du Pouvoir.
En proclamant « la liberté, l’égalité et la fraternité », elle installait les principes du libéralisme, du socialisme et d’un lien social sans substance, sans âme.

La logique de ces principes mauvais se manifesta de l’anarchie à la tyrannie, au milieu des embrassades et des massacres.
Après un quart de siècle de guerre civile et étrangère, le libéralisme l’emporta, portant la bourgeoisie au pouvoir et fondant sur l’argent les inégalités de la hiérarchie sociale.

En 1917, le Marxisme-Léninisme entendit supprimer la monnaie. L’or ne devait plus servir qu’à orner les vespasiennes. Le travail devenait la mesure de la valeur et des prix.
La production, les échanges et la consommation seraient désormais réglés par l’Etat, en attendant que celui-ci disparaisse quand le bonheur de tous et de chacun l’aurait rendu inutile.
On sait ce qui est advenu, comme pour toute tentative du même genre : plus de 100 millions de victimes assassinées.

On voit que la socialisation générale des activités assure le triomphe de l’argent.
Pourquoi ? Parce que la destruction des communautés naturelles, orchestrés par le socialisme, oblige à remplacer les liens sociaux dont elles sont tissées par le lien de l’argent, seul substitut disponible en dehors de la fonctionnarisation et de l’asservissement qui sont la solution communiste.

Première des communautés naturelles, la famille, pilier de la société, est un scandale tant pour l’étatisme (main-mise de l’état sur les individus et la société) que l’individualisme (culte de l’amour-propre et de l’égoïsme).
Elle craque devant leurs attaques combinées.
Entre le mari et la femme, entre les parents et les enfants, tout devient question d’argent et de salaire. On arrive peu à peu au point où les membres de la famille deviennent de simples individus évoluant librement entre eux sous l’œil vigilant de l’Etat.

L’inflation du coût des besoins domestiques dépasse les ressources normales des familles, ce qui pousse la mère à travailler à l’extérieur pour arrondir le budget familial et acquérir elle aussi des droits sociaux.
De ce fait, les enfants sont envoyés dans les crèches et les maternelles, ou traînent dans la rue. Ils appartiennent enfin à l’Etat.

On pourrait faire le tour de tous les milieux sociaux – ceux de l’artisanat, du village, du quartier – où l’apprentissage du métier et l’entraide spontanée créaient les grandes solidarités communautaires de la vie quotidienne et professionnelle, on verrait à quel point le système des droits « légaux » et des obligations « légales », développé par l’Etat jacobin et républicain, tue les liens sociaux naturels en suscitant de surcroît l’égoïsme, le ressentiment, l’agressivité et le chômage.
L’individu devient solitaire par la grâce de l’argent, froid médiateur de toutes les relations sociales désormais privées de la chaleur vivante des communautés naturelles.
Ne parlons pas des vieillards que la législation sociale et fiscale voue, par des incidences multiples, à la mort solitaire.
Ne parlons pas des communautés religieuses, avec leurs moines et leurs moniales qui « gagnent leur vie », sont salariés et assurés, bref liés par l’argent et tenus par l’Etat.
Ne parlons de rien ni de personne, puisque c’est toute la vie sociale qui est asservie à l’argent et à l’Etat.

La société libérale-socialiste, qui viole toutes les lois divines en même temps que les lois naturelles les plus élémentaires, est condamnée à mort.
On ne peut que préparer la société véritablement humaine qui pourra surgir des décombres.

Franck Gerstein
D'après un article de L.Salleron
paru dans la revue Le cep
revue du Centre d'Etudes et de Prospective sur la science




Thomas a Kempis

L'Imitation de Jésus-Christ tient une grande place dans la littérature chrétienne. Ecrit par un moine, Thomas Kempis, durant la première moitié du XVe siècle, ce petit livre a été lu et médité par des générations de laïcs désireux d'approfondir leur vie intérieure. L'Imitation est certes un témoignage parmi d'autres du renouveau spirituel de son époque, désigné sous le nom de Devotio moderna, qui oppose la voie de l'intériorisation à un monde extérieur déchiré et violent. Mais les grandes oeuvres débordent le temps et le lieu qui ont offert le cadre, le sujet, l'occasion, l'auditeur. C'est l'existence chrétienne de toutes les époques qui est décrite dans ce livre. La grâce et la tentation sont ressaisies à leur " racine " : l'existence de l'amour et du mal. De l'un et de l'autre, l'auteur décrit avec minutie les formes en appelant le lecteur à la conversion intérieure. L'Imitation tend avant tout à cette purification du coeur sans laquelle ne peut être ni compris ni vécu l'Evangile.

Charles Martel

Charles Martel



Maire du palais d'Austrasie sous les derniers Mérovingiens. Charles était le fils de Pépin d'Héristal et de sa concubine Alpaïde. Postérieurement, on forgera une origine héroïque au vainqueur de Poitiers (25 octobre 732), guerrier habile, qui devait son surnom de Martel (marteau) à une imdomptable énergie.


La conquête du pouvoir

Sa situation de bâtard l'aurait sans doute confiné dans un rôle obscur si des hasards généalogiques n'en avaient fait le seul héritier apte à conserver l'héritage paternel. Pépin d'Héristal avait dû se résigner à éloigner Alpaïde et à reprendre sa femme légitime, Plectrude. La mort de son fils Grimoald, à laquelle Alpaïde n'est pas étrangère, provoque une crise successorale : Pépin meurt en 714 et laisse ses pouvoirs de maire du palais d'Austrasie et de Neustrie à son petit-fils Théobald, âgé de six ans. Plectrude gouverne en son nom et fait emprisonner Charles.

Cette faiblesse du pouvoir est mise à profit par les Frisons et les Neustriens, qui se révoltent et menacent la domination de l'Austrasie sur le royaume franc. Cette crise entraîne la chute de Plectrude.

Dès 715, Charles Martel est libéré et proclamé maire du palais d'Austrasie par les grands ; il élimine Plectrude, rétablit la situation en Neustrie et assure la légitimité de son pouvoir en faisant couronner roi en 720 un Mérovingien qui lui est tout dévoué, Thierry IV (713-737).


L'unification du royaume franc

Charles passe alors à l'offensive. En Germanie orientale, il mène expédition sur expédition contre les Frisons, les Saxons et les Bavarois : il amorce ainsi l'œuvre de rassemblement des peuples germaniques sous l'autorité franque, œuvre que Charlemagne devait mener à son terme.

Dans le sud de la Gaule, il entreprend de ramener dans l'orbite franque l'Aquitaine et la Provence. Son intervention en Berry, en 731, contre le duc Eudes, enclenche le processus d'invasion par les musulmans d'Espagne ; Eudes a fait alliance avec un chef berbère du nord de la péninsule en révolte contre le gouverneur Abdérame. Celui-ci vient à bout facilement du rebelle et, sur sa lancée, franchit les Pyrénées et pille l'Aquitaine. Eudes, vaincu, appelle Charles Martel, qui bat les musulmans entre Poitiers et Tours le 25 octobre 732. Cette victoire lui permet de soumettre l'Aquitaine et de se tourner vers la Provence pour faire reconnaître son autorité à l'aristocratie locale, alliée aux musulmans.

A Poitiers comme dans ses combats provençaux, Charles ne se pose pas en défenseur de la foi : il cherche à protéger ses frontières et à rétablir la domination franque sur les pays du sud de la Loire. D'ailleurs, il doit ses succès en partie à son absence totale de scrupules à l'égard de l'Eglise : il s'est emparé de nombreux domaines ecclésiastiques pour les distribuer en bénéfices à ses propres fidèles, ce qui rallie à sa cause une clientèle considérable sans affaiblir son patrimoine.


Controverses sur la bataille de Poitiers

Certains auteurs ont nié l'existence de cet épisode célèbre du règne de Charles Martel. A tort sans doute, mais les sources, tant musulmanes que chrétiennes, sont si confuses que des points essentiels demeurent extrêmement controversés. La date traditionnelle du 25 octobre 732 n'est pas acceptée par certains historiens, qui lui préfèrent celle d'octobre 733.

La localisation du combat prête à discussion : près de Poitiers? près de Tours? ou entre les deux? Enfin, l'importance de la bataille est appréciée différemment. Fait capital dans l'histoire européenne, a-t-elle bloqué l'expansion musulmane et sauvé le christianisme occidental ? ou bien ce combat fut-il une simple péripétie sans signification, l'arrêt de l'expansion de l'islam étant dû à d'autres causes? Les contemporains, en tout cas, n'ont pas perçu l'importance de l'événement, ce qui ne saurait surprendre. Quant à Charles Martel, il a sans doute été bien près de penser qu'en battant les Arabes à Poitiers il battait en fait des Aquitains.




L'HERITAGE n °3 (Renouveau Français)

SOMMAIRE :

Edito
Actualité française
Actualité internationale
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mardi 2 octobre 2007

Bataille de Bouvines

BATAILLE DE BOUVINES

La bataille de Bouvines : 27 Juillet 1214.



Rappel historique de 1192 à 1214.

C'est en août 1192 que Richard Cœur de Lion décide de rentrer de la troisième croisade (1189-1192). Il a l'imprudence de passer par les terres de Léopold d'Autriche, qui, "conseillé" par le roi de France Philippe Auguste, le capture et le livre à l'empereur Henri VI. A sa libération (1194), il engage les hostilités contre le royaume de France, mais en 1199, il meurt d'un carreau d'arbalète pendant le siège du château de Châlus. C'est son frère Jean sans Terre qui lui succède, non sans peine. les barons et les prélats anglais hésitant entre lui et Arthur de Bretagne, neveu de Richard, mais sous la main de Philippe Auguste.
Pour finir, Jean sans Terre est couronné Duc de Normandie le 25 Avril 1199, roi d'Angleterre le 25 Mai, Arthur de Bretagne prête hommage à Philippe Auguste pour la Bretagne, le Maine et l'Anjou, alors qu'Alienor rend elle l'hommage pour l'Aquitaine.
En 1209, à cause d'une élection contestée à l'archevêché de Canterbury, Innocent III excommunie le royaume d'Angleterre, et charge Philippe Auguste de le conquérir , en rémission de ses péchés. Le roi de France prépare alors son armée, et en 1213, alors qu'il se prépare à embarquer, un légat du pape vient lui apprendre que l'excommunication est levée ... Jean sans Terre, se jugeant perdu, a préféré se soumettre au pape, et accepte que l'Angleterre soit fief du Saint-Siège ... donc inattaquable sous peine d'excommunication. Rentré dans les faveurs du pape, Jean forme alors une coalition pour tenter de mettre fin à l'hégémonie du souverain français.
Les membres de la coalition.
Otton IV de Brunswick, roi de Germanie est élu par l'archevêque de Cologne dès 1198, et ce, au dépens du Hohenstaufen Philippe de Souabe. Après la mort de ce dernier, Otton IV rentre dans les grâces du pape Innocent III en acceptant de larges restitutions territoriales au patrimoine pontifical et en promettant de l'appuyer dans le royaume de Sicile (4 Octobre 1209). Mais, aussitôt élu, il le trahit, et celui-ci, après l'avoir excommunié (1210 et 1211), fait élire le jeune Staufen Frédéric avec l'appui de Philippe Auguste (1213). Otton IV, attiré par les deniers du roi d'Angleterre et décidé à combattre le roi de France, principal obstacle à son triomphe, rejoint la coalition.
Le Comte de Flandre Ferrand de Portugal, Comte par mariage avec Jeanne de Flandre, n'a jamais accepté de devoir rendre au roi les châtellenies d'Aire et de Saint-Omer et refuse de reconnaître les droits exercé du Roi de France sur la Flandre en un temps où le pouvoir sur les hommes était régi par le droit féodal d'hommage à un suzerain appelé à dominer vos terres. En 1213, le roi a ravagé sa terre, et brûlé Lille, capitale des Flandres ... Il rejoint la coalition.
Renaud de Dammartin était pourtant l'ami d'enfance de Philippe Auguste. Mais il n'a cessé de louvoyer entre les deux royaumes de France et d'Angleterre. En 1190, il renvoie son épouse Marie de Chatillon, cousine du roi, pour épouser la très riche héritière veuve du Comte de Boulogne. De ce mariage nait toutes sortes de jalousies, et notamment du Comte de Guines, du Comte de Saint-Pol et de la famille de Dreux. Assuré de l'inimitié capétienne ... il rejoint la coalition.
Font partie également de la coalition Arnoul d'Audenarde, Buridan de Furnes, Hugues de Boves ( obligé de fuir la France car meurtrier d'un prévôt du roi ) et Gauthier de Ghistelle.
Les préparatifs de la bataille.Enluminures
Alors que Jean sans Terre est parti se faire battre à La roche aux Moines (2 Juillet 1214), Otton quitte Aix la Chapelle ; le 12, il est à Nivelle, puis se dirige vers Valenciennes. Le 23, l'armée française se rend de Péronne à Douai ; le 26, elle est à Tournai ... Philippe a résolu de prendre les coalisés à revers en les contournant par le Nord-Est, de manière à intercepter les communications entre l'Allemagne et la Flandre. Prévenu par ses espions, l'empereur transfère son armée de Valenciennes à Mortagne, au confluent de la Scarpe et de l'Escaut ... à trois lieues des français.
Philippe réunit alors ses cousins, les Comtes, les chevaliers ... tous décident de se replier vers Lille par la route la plus courte ; route dont le passage obligé est le pont qui enjambe la Marque et ses marais ... le pont de Bouvines. Alors que l'armée a déjà commencé à franchir ce pont, l'armée des coalisés est en vue ... La bataille de Bouvines commence ...
La bataille de Bouvines ( 27 Juillet 1214 ).

Alors que le roi se repose à l'ombre d'un frêne, frère Guérin vient le trouver pour lui apprendre la nouvelle : Bien que ce jour soit celui du seigneur (Le 27 Juillet 1214 tombait un Dimanche et " Il est interdit d'assaillir son ennemi depuis la neuvième heure du samedi jusqu'à la première heure du lundi " a décrété le concile d'Elne en 1027), la bataille aura lieu.
Le roi ne faiblit pas ; il ajuste son haubert, adresse une courte prière dans une petite chapelle dédiée à Saint-Pierre, et donne ses ordres à ses fidèles, Michel de Harnes, Guillaume des Barres, Gérard la Truie, Mathieu de Montmorency, Pierre Mauvoisin et tous les autres.
Les deux armées sont rangées en bataille de trois corps chacune.
Au centre de l'armée française, Philippe Auguste, est entouré de ses chevaliers d'élite,. A sa droite, la bataille commandée par le Duc Eudes de Bourgogne et ses lieutenants, composée des chevaliers champenois et bourguignons. A sa gauche, les chevaliers et les piétons, conduits par Robert de Dreux, les Comtes de Ponthieu, de Soissons, de Grandpré et le sire de Saint-Valéry.
En face de lui, l'armée d'Otton, trois fois plus importante. Au centre, l'empereur, avec sa garde saxonne, sa chevalerie des Ducs de Lorraine et de Brabant, du Comte de Namur et son infanterie brabançonne et allemande. A sa gauche, le Comte de Flandre commande outre la cavalerie et l'infanterie, les milices flamandes. A sa droite, c'est Renaud de Dammartin qui s'occupe des fantassins brabançons et des chevaliers anglo-flamands de Guillaume Longue-Epée et d'Arnaud d'Audenarde.
La bataille peut commencer ... Tout d'abord, ce sont des sergents à cheval qui sont envoyés contre les flamands. Ces derniers les reçoivent avec grand dédain ... Envoyer des vilains contre des chevaliers est un manquement grave aux usages ...
Puis, les choses sérieuses commencent. Trois chevaliers flamands, Gautier de Ghistelle, Buridan et Eustache de Malenghin viennent défier leurs homologues champennois ... et se font battre et capturer ; Gautier, qui ne cesse d'hurler "A la mort, à la mort aux Français" se fait couper la gorge.
C'est au tour du Comte Gautier de Saint-Pol, aidé de ses chevaliers, de charger les flamands ; une charge d'une telle puissance qu'il transperce les lignes ennemies. Il tourne bride, fonce à nouveau recommence, et ainsi de suite jusqu'à en perdre le souffle. Le Duc de Bourgogne entre alors dans la bataille ... et tombe à terre car on lui a tué son cheval ... A peine lui en a t'on ramené un autre, il se lance dans la bataille, fou de rage, pour laver sa honte : (...) il brandit la lance et brocha des éperons, puis se jetta au plus dru de ses ennemis par grande ire. Il ne prenait garde ou il frappait, ni qui il rencontrait, mais vengeait son mautalent sur tous également, comme si chacun de ses ennemis lui eut son cheval occis.
Après quelque heures de bataille, Ferrand de Portugal se rend, exténué aux frères de Mareuil, Hugues et Jean ... Le flanc gauche d'Otton n'existe plus !!
Au centre, la bataille d'Otton a pour l'instant l'avantage ; son infanterie fait merveille, et chacun n'a qu'un but : tuer Philippe Auguste. Soudainement, les piétons allemands arrivent à l'encercler et à le désarçonner. Galon de Montigny agite la banière pour demander de l'aide, et c'est Pierre Tristan qui le premier voit le signe. Il s'interpose et fait rempart de son corps ... Philippe est remis en selle, indemne. C'est alors que Pierre Mauvoisin arrive à la hauteur d'Otton et, croyant le frapper d'un couteau, atteint en fait la tête du cheval. Celui ci, affolé se met à galoper avant de tomber mort. Dès qu'un autre cheval lui est ramené, Otton s'enfuit le plus vite qu'il le peut ... jusqu'à Valenciennes.
Pendant ce temps, Robert de Dreux et l'évêque de Beauvais sont à la peine ; Renaud de Dammartin et Guillaume Longue-Epée ont enfoncé les lignes françaises et tentent de prendre le pont de Bouvines. Heureusement, ils se heurtent aux 400 massiers du roi. Ceux-ci les repoussent, Guillaume Longue Epée est capturé, ce qui provoque la fuite des anglais. Renaud de Dammartin est le dernier à résister ... Il a adopté un nouveau dispositif que même ses ennemis admirent : Le hérisson. Dès qu'il est fatigué, il vient se reposer avec ses chevaliers au centre d'une quadruple ellipse hérissée de piques et de crochets que forme son infanterie, et quand il a repris ses esprits, l"enceinte" s'ouvre et il peut alors charger ses ennemis.

Mais, il se rend bien compte, en voyant tout le monde fuir, que la bataille est perdue. Il finit par se rendre à Frère Guérin, qui le sauve de la mort que les fantassins et qu'Arnaud d'Audenarde lui réservent.
Après une après-midi de combats acharnés, la bataille de Bouvines est terminée, et la monarchie capétienne semble invulnérable aux yeux de tous ...
En trois heures, tout est joué. La victoire est sans appel. Dans les rangs des chevaliers français, seuls dix sont morts. Le rex christiannissimus, le roi très chrétien Philippe II est victorieux ... seul, face à son créateur. Il prend alors le titre d' Augustus, Philippe II Auguste. A travers les images d'Épinal, on retrouve jusqu'au XIX ème siècle la célébration de cette victoire comme celle du nationalisme français face à ses adversaires ( dont en 1914, l'ennemi germanique )

La grâce

POURQUOI LA GRACE EFFICACE EST-ELLE DISTINCTE DE LA SUFFISANTE ?



Par le P. Garrigou-Lagrange dans La Synthèse Thomiste





QUE LUI AJOUTE-T-ELLE ? - QUEL EST LE

FONDEMENT SUPRÊME DE CETTE DISTINCTION ?



Nous touchons ici à ce qui oppose la synthèse thomiste au molinisme. Plusieurs molinistes, dès qu’on touche les questions de la prescience, de la prédestination et de la grâce, appellent le thomisme classique : bannézianisme, pour pouvoir continuer à s’appeler eux-mêmes thomistes. Pour les théologiens informés c’est là une plaisanterie, une vraie comédie. Il importe de le rappeler.

Nous avons traité ce sujet.dans un livre antérieur La Prédestination des saints et la grâce, 1936, cf. surtout p. 257-264 ; 341-350 ; 141-144. Nous vou­drions ici insister sur un principe supérieur admis par tous les théologiens et dans lequel les thomistes voient le fondement suprême de la distinction des deux grâces suffisante et efficace.


Le problème



Il est certain, d’après la Révélation, que bien des grâces actuelles accordées par Dieu ne produisent pas l’effet (du moins tout l’effet) auquel elles sont ordonnées, tandis que d’autres le produisent. Les premières sont appelées suffisantes, et purement suffisantes, elles donnent le pouvoir de bien agir, sans porter efficacement à l’action même ; l’homme résiste à leur attrait ; leur existence est absolument certaine, quoi qu’en aient dit les jansénistes : sans elles, Dieu commanderait l’impossible, ce qui serait contraire à sa miséricorde et à sa justice ; de plus, sans elles, le péché serait inévitable ; il ne serait plus dès lors véritablement un péché et ne pourrait par suite être justement puni par Dieu. En ee sens nous disons que Judas, avant de pécher, pouvait réellement hic et nunc éviter la faute qu’il a commise, de même le mauvais larron avant d’expirer près de Notre-Seigneur.

Les autres grâces actuelles, dites efficaces, ne font pas seulement que nous puissions réellement observer les préceptes, mais elles nous les font observer de fait, comme il arriva pour le bon larron par opposition à l’autre. L’existence de la grâce actuelle efficace est affirmée en de nombreux passages de l’Écriture, par exemple, Ézéchiel XXXVI, 27 : « Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous suiviez mes ordonnances et que vous observiez et pratiquiez mes lois. » - Dans le Ps. CXXXIV, 6, il est dit : « Tout ce que Dieu veut, il le fait », tout ce qu’il veut d’une façon non pas conditionnelle, mais absolue, il le fait, même la conversion libre de l’homme, comme celle du roi Assuérus, à la suite de la prière d’Esther (Esther, XIII, 9 ; XIV, 13) : « Alors Dieu changea la colère du roi en douceur. » (Ibid., XV, II). L’infaillibilité et l’efficacité du décret de la volonté de Dieu sont fondées manifestement dans ces textes sur sa toute puissance et non pas sur le consentement prévu du roi Assuérus. Il est dit de même dans les Proverbes, XXII, 1 : « Le cœur du roi est un cours d’eau dans la main de Jahvé, il l’incline partout où il veut. » Item Eccli. XXXIII, 13 : « Comme l’argile est dans la main du potier et qu’il en dispose selon son bon plaisir, ainsi les hommes sont dans la main de celui qui les a faits. » Item Eccli. XXXIII, 24-27. - Jésus dit aussi (Jean, X, 27) : « Mes brebis entendent ma voix, je les connais et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle, et elles ne périront jamais, et personne ne les ravira de ma main. » Item (Jean, XVII, 12) : « J’ai gardé ceux que vous m’avez donnés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition, afin que l’Écriture fût accomplie. »

Saint Paul écrit de même aux Philippiens II, 13 : « C’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir. »

Le IIe Concile d’Orange, contre les semi-pélagiens, cite plusieurs de ces textes scripturaires et parle de l’efficacité de la grâce en ces termes (Denzinger, 182) : « Quoties bona agimus, Deus in nobis atque nobiscum, ut operemur, operatur. » Il y a donc une grâce qui ne donne pas seulement le pouvoir réel de bien agir (qui existe en celui qui pèche), mais qui est effectrix operationis, bien qu’elle n’exclue pas notre libre coopération, mais la suscite et nous y porte.

Saint Augustin explique ces mêmes textes scrip­turaires en disant : « Cor regis... occultissima et efficacissima potestate convertit et transtulit Deus ab ­indignatione ad lenitatem » (I ad Bonifatium, c. XX).

Aussi la grande majorité des anciens théologiens, les augustiniens, les thomistes, les Scotistes, ont-ils admis que la grâce dite efficace est efficace par elle-même, parce que Dieu le veut, et non pas parce que nous voulons qu’elle le soit, d’un consentement prévu par la prescience divine. Dieu n’est pas seulement le spectateur de ce qui distingue le juste du pêcheur, il est l’auteur du salut. Ces anciens théologiens se divisent sans doute secondairement sur la façon d’expliquer comment la grâce est efficace par elle-même ; les uns recourent à la motion divine dite prémotion physique, les autres à la délectation victorieuse ou à un attrait semblable, mais tous admettent que la grâce dite efficace est efficace par elle-même.

Molina au contraire a soutenu qu’elle est efficace extrinsèquement par notre consentement, lequel a été prévu par Dieu par la science moyenne. Cette science moyenne a toujours été rejetée par les thomistes, qui lui reprochent de poser une passivité en Dieu à l’égard de nos déterminations libres (futuribles, puis futures) et de conduire au déterminisme des circonstances (du fait que, par l’examen de celles-ci, Dieu prévoirait infailliblement ce que l’homme choisirait.) Il y aurait ainsi l’être même et la bonté de la détermination libre et salutaire de l’homme qui viendraient de lui et non de Dieu, au sens du moins où Molina a écrit : « Auxilio aequali fieri potest ut unus vocatorum convertatur et alius non. Imo auxilio minori potest quis adjutus resur­gere, quando alius majori non resurgit, durusque perseverat[1]. »

Les adversaires du molinisme disent à ce sujet il y aurait ainsi un bien, celui de la détermination libre salutaire, qui ne viendrait pas de Dieu, source de tout bien. Comment dès lors maintenir cette parole de Jésus : « Sans moi vous ne pouvez rien faire » dans l’ordre du salut (Jean, XV, 5) et celle-ci de saint Paul : « Qui est-ce qui te distingue ? Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? » I Cor, IV, 7. Il arriverait en effet que de deux pécheurs placés dans les mêmes circonstances et également aidés par Dieu, l’un se convertirait et l’autre pas ; l’homme se discernerait lui-même et deviendrait meilleur qu’un autre, sans être plus aidé par Dieu, sans avoir plus reçu, contrairement au texte de saint Paul.



Par ailleurs, les molinistes ne manquent pas de répondre : si, pour bien agir effectivement, il faut, en plus de la grâce suffisante, la grâce de soi efficace, la première donne-t-elle vraiment le pouvoir réel d’agir ?

Elle le donne, répondent les thomistes, s’il est vrai que la puissance réelle d’agir est distincte de l’action même ; s’il est vrai, comme le disait Aristote contre les Mégariques (Mét., l. IX, c. 3), que l’archi­tecte qui ne construit pas actuellement a cependant le pouvoir réel de le faire ; que celui qui est assis peut se lever, sans pouvoir en même temps être assis et debout ; s’il est vrai que l’homme qui dort a la puis­sance réelle de voir ; du fait qu’actuellement il ne voit pas, il ne s’ensuit pas qu’il soit aveugle. De plus, si le pécheur ne résistait pas à la grâce suffisante, il recevrait la grâce efficace offerte dans la précédente, comme le fruit dans la fleur. S’il résiste, il mérite d’être privé de ce nouveau secours.

On insiste en disant que saint Thomas lui-même n’a pas explicitement distingué la grâce de soi efficace et la grâce qui donne seulement le pouvoir de bien agir.

Il est facile de citer bien des textes du saint Docteur où il fait cette distinction, par exemple In Ep. ad Ephes. c. 3, lect. 2 : « Auxilium Dei duplex est : Facultatem, dat Deus infundendo virtutem et gratiam, per quas efficitur homo potens et aptus ad operandum. Sed ipsam operationem confert in quan­tum in nobis interius operatur movendo et instigando ad bonum..., in quantum virtus ejus operatur in nobis velle et perficere pro bona voluntate. » Item Ia IIae, q. CIX, a. 1, a. 2, a. 9, a. 10 ; q. CXIII, a. 7, et 10 et alibi. Il dit aussi In Ep. ad Tim. II, 6 : « Christus est propitiatio pro peccatis nostris, pro aliquibus efficaciter, pro omnibus sufficienter, quia pretium sanguinis ejus est sufficiens ad salutem omnium, sed non habet efficaciam nisi in electis, propter impedi­mentum. » A cet impedimentum, Dieu remédie souvent, pas toujours. C’est là le mystère. « Deus nulli subtrahit debitum » (Ia, q. XXIII, a. 5, ad 3um) ; « sufficiens auxilium, dat ad non peccandum » (Ia IIae, q. CVI, a. 2, ad 2um). Quant à la grâce efficace, « si elle est donnée à ce pécheur, c’est par miséricorde ; si elle est refusée à tel autre, c’est par justice » (IIa IIae, q. II, a. 5, ad lum).

Les thomistes expliquent ces textes en disant toute grâce actuelle qui est de soi efficace par rapport à un acte salutaire imparfait comme l’attrition, est suffisante par rapport à un acte salutaire plus parfait comme la contrition[2]. C’est manifestement le sens de la doctrine de saint Thomas, et selon lui : si l’homme résiste de fait à la grâce qui donne le pouvoir de bien agir, il mérite d’être privé de celle qui le ferait bien agir effectivement[3]. (Cf. Tabulam auream : Satisfactio, n° 36). Mais saint Thomas n’a pas seulement distingué ces deux grâces, il a assigné le fondement suprême de cette distinction.


La volonté divine antécédente et la volonté divine conséquente



Les thomistes affirment communément que la distinction de la grâce efficace et de la grâce suffisante se fonde, selon saint Thomas, sur la distinction de la volonté conséquente et de la volonté antécédente, exposée par lui Ia, q. XIX, a. 6, ad 1um. De la volonté dite conséquente dérive la grâce efficace, et de la volonté antécédente la grâce suffisante.

En cet endroit saint Thomas a écrit : « Voluntas comparatur ad res, secundum quod in seipsis sant, in seipsis autem sunt in particulari. Unde simpliciter volumus aliquid, secundura quod volumus illud consideratis omnibus circumstantiis particularibus, quod est consequenter velle... Et sic patet quod quidquid Deus SIMPLICITER vult, fit. » Ita dicitur in illud Ps. CXXXIV, 6 : « Omnia quaecumque voluit Deus, fecit. »

L’objet de la volonté est le bien : or le bien, à la différence du vrai, est formellement, non pas dans l’esprit, mais dans les choses, qui n’existent que hic et nunc. Et donc nous voulons simpliciter, pure­ment et simplement, ce que nous voulons comme devant être réalisé hic et nunc ; c’est la volonté conséquente, qui en Dieu est toujours efficace, car tout ce que Dieu veut (de façon non conditionnelle), il le réalise.

Si, au contraire, la volonté se porte sur ce qui est bon en soi, indépendamment des circonstances, non hic et nunc, c’est la volonté antécédente (ou condi­tionnelle), qui, de soi et comme telle, n’est pas efficace, puisque le bien, naturel ou surnaturel, facile ou difficile, ne se réalise que hic et nunc. C’est pourquoi saint Thomas dit au même endroit, quel­ques lignes plus haut : « Aliquid potest esse, in prima sui consideratione, secundum quod absolute consideratur, bonum vel malum, quod tamen prout, cum aliquo adjuncto consideratur, quae e conse­quens consideratio ejus, e contrario se habet : sicut hominem vivere est bonum... sed si addatur circa aliquem hominem, quod sit homicida,... bonum est eum occidi. »

Ainsi le marchand pendant la tempête voudrait (au conditionnel) conserver ses marchandises, mais il veut de fait les jeter à la mer pour sauver sa vie (Ia IIae, q. VI, a. 6). Ainsi encore Dieu veut antécédem­ment que tous les fruits de la terre arrivent à matu­rité, bien qu’il permette pour un bien supérieur que tous n’y arrivent pas. De même encore Dieu veut antécédemment que tous les hommes soient sauvés, bien qu’il permette, en vue d’un bien supérieur, dont lui seul est juge, le péché et la perte de plusieurs.

C’est pourquoi sairt Thomas conclut ibidem : « Et sic patet quod quidquid Deus simpliciter vult, fit, licet illud quod antecedenter vult, non fiat. »

Il reste pourtant que Dieu ne commande jamais l’impossible, et que par volonté et par amour il rend l’observation de ses commandements possible à tous, dans la mesure où ils sont connus et peuvent l’être. « Sufficiens auxilium dat ad non peccandum » Ia IIae, q. CVI, a. 2, ad 2um. Il donne même à chacun plus que n’exige la stricte justice (Ia, q. XXI, a. 4). Ainsi saint Thomas concilie la volonté divine antécédente, dont parle saint Jean Damascène, avec la toute­ puissance qui ne saurait être oubliée.


Les principes suprêmes sur lesquels repose la distinction des deux volontés et des deux grâces



Mais n’y a-t-il pas un principe plus élevé et plus simple d’où dérive la distinction des deux volontés divines, l’une toujours efficace, et l’autre condition­nelle, source de la grâce suffisante ?

N’y a-t-il pas un principe universellement reçu, d’où procèdent la notion de volonté conséquente et celle de volonté antécédente, que nous venons de rappeler, et qui les justifie dans une lumière supé­rieure aux yeux de ceux qui les trouveraient contes­tables ?

Ce principe est précisément celui sur lequel repose tout. l’article de saint Thomas que nous venons de citer (Ia, q. XIX, a. 6) : Il se trouve énoncé dans le Psaume CXXXIV, 6, sous cette forme : « Omnia quaecumque voluit Deus, fecit. Tout ce que Dieu veut (purement et simplement d’une volonté non conditionnelle) il le réalise », c’est la volonté dite con­séquente, principe de la grâce de soi efficace. On complète l’énoncé de ce principe en disant : « Nihil enim in coelo vel in terra fit, nisi quod ipse Deus aut propitius facit, aut fieri juste permittit. » - « Rien n’arrive sans que Dieu l’ait voulu, si c’est un bien, sans que Dieu l’ait permis, si c’est un mal. » Ce principe ainsi formulé est universellement enseigné dans l’Église, et il montre qu’il y a en Dieu une volonté conditionnelle, dite antécédente, qui se porte sur un bien, dont la privation est permise par Dieu pour un bien supérieur ; ainsi il permet que ses préceptes ici et là ne soient pas observés, et il le permet pour ce bien supérieur qui est la manifesta­tion de sa Miséricorde ou de sa justice.

Il faut ajouter à ce principe cet autre universellement reçu lui aussi, plusieurs fois rappelé par saint Augustin[4] et cité par le Concile de Trente, (Denz. n° 804), Deus impossibilia non jubet, Dieu ne commande jamais l’impossible : l’accomplissement de ses préceptes est réellement possible, dans la mesure où ils peuvent être connus. On voit par là que la volonté divine antécédente est source d’une grâce suffisante, qui rend l’accomplissement des préceptes réellement possible, sans les faire accomplir hic et nunc.

De ces deux principes révélés dérive, on le voit, la distinction des deux volontés divines, l’une toujours efficace, dite conséquente, l’autre condition­nelle et source de la grâce suffisante. C’est donc le fondement suprême de la distinction des deux grâces dont nous parlons.

Il n’y a pas d’exception au principe universel : « Omnia quaecumque voluit Deus, fecit. » Tout ce que Dieu veut (purement et simplement, de façon non conditionnelle) s’accomplit, sans pour cela que notre liberté soit violentée, car Dieu la meut fortiter et suaviter, en l’actualisant au lieu de la détruire ; il veut efficacement que nous consentions librement, et nous consentons librement ; la souveraine efficacité de la causalité divine s’étend jusqu’au mode libre de nos actes (Ia, q. XIX, a. 8).

Le principe suprême que nous venons d’invoquer est ainsi expliqué par saint Thomas (q. XIX, a. 6) : « Comme la volonté divine est la cause universalissime de toutes choses, il est impossible qu’elle ne s’accom­plisse pas », lorsqu’il s’agit d’une volonté non condi­tionnelle. La raison en est qu’aucun agent créé ne peut agir sans le concours de Dieu, ou défaillir sans sa permission. (Cf. ibidem.)

Et donc ce principe revient à dire ce qui est communément enseigné dans l’Église : Nul bien n’arrive hic et nunc (en tel homme plutôt qu’en tel autre) sans que Dieu l’ait positivement et efficacement voulu de toute éternité, et nul mal, nul péché n’arrive hic et nunc (en tel homme plutôt qu’en tel autre) sans que Dieu l’ait permis.

Ce principe est souvent énoncé sous cette forme plus simple : « rien n’arrive sans que Dieu l’ait voulu, si c’est un bien, ou l’ait permis, si c’est un mal ». Il se trouve équivalemment formulé dans les conciles, par exemple dans le Concile de Trente (Denz. 816)[5].

Beaucoup répètent ce principe des plus élevés et absolument universel, sans apercevoir ce qu’il con­tient ; or il contient précisément, comme nous venons de le voir, le fondement de la distinction des deux grâces dont nous parlons, de la grâce de soi efficace, et de la grâce dite purement suffisante à laquelle l’homme résiste, mais à laquelle il ne résisterait pas, sans une permission divine.

C’est pour cela qu’au IXe siècle, pour terminer les longues discussions relatives à l’opinion de Gotescalc, et pour accorder aux évêques augustiniens ce qu’ils demandaient, tout en maintenant la volonté salvifi­que universelle et la responsabilité du pécheur, la lettre synodale approuvée au Concile de Thuzey en 860, commençait en ces termes[6] :

« In coelo et in terra omnia quaecumque voluit Deus fecit. Nihil enim in coelo vel in terra fit, nisi quod ipse aut propitius facit, aut fieri juste permittit. »

C’est dire que tout bien, naturel ou surnaturel, facile ou difficile, initial ou final, vient de Dieu et qu’aucun péché n’arrive, et n’arrive en tel homme plutôt qu’en tel autre sans une permission divine. Ce principe extrêmement général contient évidem­ment d’innombrables conséquences. Saint Thomas y a vu l’équivalent du principe de prédilection, qu’il a ainsi formulé (Ia, q. XX, a. 3) : « Cum amor Dei sit causa bonitatis rerum, non esset aliquid alio melius, si Deus non vellet uni majus bonum quam alteri. » Nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé et plus aidé par Dieu. C’est l’équivalent de la parole de saint Paul : « Quis enim te discernit ? Quid autem habes quod non accepisti ? » (I Cor. IV, 7.)


Conséquences de cette doctrine



Cette vérité est un des fondements de l’humilité chrétienne qui repose sur le dogme de la création ex nihilo et sur celui de la nécessité de la grâce pour tout acte salutaire. Ce même principe de prédilection contient virtuellement la doctrine de la prédestina­tion gratuite, car les mérites des élus étant l’effet de leur prédestination ne peuvent en être la cause, comme le montre bien saint Thomas Ia, q. XXIII, a. 5.

Cette grande vérité porte les saints, quand ils voient un criminel monter sur l’échafaud, à se dire : si cet homme avait reçu toutes les grâces que j’ai reçues, il aurait peut-être été moins infidèle que moi et si Dieu avait permis dans ma vie toutes les fautes qu’il a permises dans la sienne, c’est moi qui serais à sa place et lui à la mienne.

Cette humilité des saints est manifestement la conséquence du principe : « Rien n’arrive sans que Dieu l’ait voulu, si c’est un bien, ou sans qu’il l’ait permis, si c’est un mal. Nihil fit nisi quod ipse Deus aut propitius facit aut fieri juste permittit. »



Même tout ce qu’il y a d’être et d’action dans le péché, à côté du désordre moral qu’il contient, tout cela provient de Dieu, cause première de tout être et de toute action, comme le montre bien saint Thomas Ia IIae, q. LXXIX, a. 2. La volonté divine ne peut vouloir, ni directement ni indirectement, le désordre, qui est dans le péché (ibidem, a. 1), la causalité divine ne peut le produire ; ce désordre est en dehors de son objet adéquat, plus encore que le son est en dehors de l’objet de la vue. Comme nous ne pouvons voir le son, Dieu ne peut être cause du désordre qui est dans le péché, mais il est cause de l’être et de l’action qui sont en lui. Il n’y a rien de plus précis et de plus précisif, si l’on peut dire, que l’objet formel d’une puissance[7]. Ainsi, quoique le bien et le vrai ne soient pas réellement distincts dans une réalité, l’intelligence atteint seulement celle-ci comme vraie, et la volonté l’atteint seulement comme bien. De même encore, en notre organisme, l’effet de la pesanteur ne saurait se confondre avec ceux de l’électricité ou de la chaleur ; chacune de ces causes produit en nous son effet propre, et non pas celui des autres. Ainsi Dieu, dans le péché, est cause de l’être et de l’action, mais non pas du désordre moral.

Ainsi se vérifie encore le principe : rien de réel n’arrive que Dieu ne l’ait voulu, et rien de mal que Dieu ne l’ait permis.

On voit ainsi que la théologie ne doit pas seulement travailler à déduire des conclusions nouvelles en descendant des principes, mais qu’elle doit aussi remonter aux principes premiers de la foi, pour éclairer les conclusions qui ne paraissent pas certaines à ceux qui ne voient pas leur lien avec les vérités premières.

Pour en revenir à la distinction de la grâce de soi efficace et de la grâce suffisante, il faut dire d’après le principe communément reçu que nous venons de rappeler : Si de deux pécheurs, placés dans les mêmes circonstances, comme le furent les deux larrons qui moururent près de Notre-Seigneur, l’un se convertit, c’est que Dieu l’avait efficacement voulu de toute éternité pour le sauver, et si l’autre persévère dans l’impénitence, cela n’arrive pas sans que Dieu l’ait justement permis.

Il est clair que si l’un de ces deux pécheurs se convertit, c’est par suite d’une miséricorde spéciale, qui le fait mériter avant de mourir, et qui ensuite couronnera ses dons en le récompensant. Mais si un juste depuis sa première justification par le baptême ne pèche jamais mortellement, c’est là l’effet d’une bonté encore plus grande de Dieu, qui l’a ainsi efficacement conservé dans le bien, alors qu’il aurait pu permettre sa chute. Cette simple remarque montre la gratuité de la prédestination.



Tels sont manifestement les principes suprêmes de la distinction de la grâce de soi efficace, qui fait bien agir, et de la grâce suffisante, qui donne le pouvoir de bien agir. Si l’homme résiste à celle-ci, awns-nous dit, il mérite d’être privé de l’autre, qui était offerte dans la précédente comme le fruit dans la fleur. La résistance ou le péché tombe sur la grâce suffisante, comme la grêle sur un arbre en fleur qui promettait beaucoup de fruits. Souvent le Seigneur, en sa miséricorde, relève les pécheurs ; mais il ne les relève pas toujours ; C’est là le mystère.



Molina, en refusant d’admettre que la grâce dite efficace le soit intrinsèquement ou par elle-même, a soutenu qu’elle l’est seulement par notre consentement prévu de toute éternité par la science moyenne. Il y a ainsi un bien, celui de notre détermination libre salutaire, qui arrive sans que Dieu l’ait efficace­ment voulu, contrairement au principe : « Omnia quaecumque voluit Deus fecit ; nihil fit nisi quod ipse aut propitius facit aut fieri juste permittit. »

Cependant Molina cherche à maintenir ce principe universellement reçu, mais il ne parvient à le con­server que de façon indirecte et extrinsèque en disant : Dieu de toute éternité a vu par la science moyenne que, si Pierre était placé en telles circonstances avec telle grâce suffisante, il se convertirait de fait, et ensuite, comme il avait dessein de le sauver, il a voulu le placer en ces circonstances favorables, plutôt qu’en d’autres où il se serait perdu.

Ainsi le principe suprême que nous avons invoqué, comme celui de prédilection, est frappé de relativité ; il n’est plus intrinsèquement vrai par lui-même, mais seulement à raison des circonstances extrinsèques à la détermination salutaire.

Il reste en effet pour Molina, contrairement au principe de prédilection, que de deux pécheurs, placés dans les mêmes circonstances et également aidés par Dieu, l’un parfois se convertit et l’autre non. « Auxilio aequali imo minori potest quis adjutus resurgere, quando alius majori non resurgit, durusque perseverat[8]. L’un des deux se convertit, sans avoir plus reçu, contrairement, semble-t-il, à la parole de saint Paul : « Qui est-ce qui te distingue ? Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu ? » (I Cor. IV, 7.)


La difficulté



Il reste l’objection que se fait saint Paul lui-même (Rom., IX, 9) : « Tu me diras : De quoi donc Dieu se plaint-il encore ? Car qui peut s’opposer à sa volonté ? » On sait la réponse de l’Apôtre : Dieu peut, sans être injuste, préférer qui il veut (Rom., IX, 14­-24), et l’hymne à la divine sagesse dont les desseins sont impénétrables : « O altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei ! quam incomprehensibilia sunt judicia ejus et investigabiles viae ejus. Quis consilia­rius ejus fuit ? Aut quis prior dedit illi et retribuetur ei : qui lui a donné le premier, pour qu’il ait à recevoir en retour ? » (Ibid., XI, 33-36.)

Saint Augustin fait la même réponse : « Quare hunc trahat et illum non trahat, noli velle dijudicare si non vis errare[9]. »

Saint Thomas ajoute : la prédestination ne peut avoir pour cause les mérites des élus, puisque ceux-ci sont les effets de la prédestination, qui par suite es gratuite ou dépend du bon plaisir divin (Ia, q. XXIII, a. 5).

Il n’est pas rare qu on veuille répondre à la difficulté susdite plus clairement que saint Paul, que saint Augustin et que saint Thomas ; mais conserve­-t-on le sens du mystère en cherchant en lui une clarté inférieure qu’il ne comporte pas. De ce point de vue, on revient bon gré mal gré à la position de Molina, lorsqu’on écrit comme on l’a fait récem­ment : « Le mystère de la Prédestination, le voici : Puisque Dieu de toute éternité savait que Judas ne profiterait pas des grâces suffisantes qu’il voulait lui donner, pourquoi n’a-t-il pas voulu lui donner, comme il l’a fait pour le bon larron, des grâces aux­quelles il savait qu’il aurait correspondu ? »

C’est bien ainsi que parlent les molinistes et cela suppose, qu’on le veuille ou non, la théorie de la science moyenne, qui pose une passivité dans la prescience à l’égard de la détermination libre que prendrait l’homme, s’il était posé en telles circon­stances, et qu’il prendra, s’il y est posé de fait. C’est le dilemme : Dieu déterminant ou déterminé, pas de milieu.

Si l’on veut au contraire conserver le principe communément reçu : « rien n’arrive que Dieu ne l’ait EFFICACEMENT VOULU si c’est un bien, et qu’il ne l’ait PERMIS, si c’est un mal », il ne suffit pas de dires comme dans la formule qui vient d’être citée : « DIEU SAVAIT ce qui allait arriver, que le bon larron consentirait à la grâce suffisante et que Judas y résisterait. » Il faut dire : Dans un cas, Dieu a permis l’impénitence finale de Judas (s’il ne l’avait pas permise, elle ne serait pas arrivée, et Dieu n’aurait pas pu la prévoir infailliblement) et il ne l’aurait pas permise, s’il avait voulu efficacement sauver Judas. Dans l’autre cas, Dieu a efficacement voulu la conversion du bon larron, parce qu’il voulait efficacement le sauver (prédestination gratuite à la gloire)[10].

Voilà ce qui découle des principes communément admis.

Si un bien, qui devrait arriver, n’arrive pas (comme la conversion de Judas), on doit conclure que Dieu n’avait pas efficacement voulu qu’il arrivât de fait, quoiqu’il ait voulu (volonté antécédente) qu’il puisse arriver, et que Judas ait la puissance réelle de se convertir, sans pourtant se convertir de fait. (Ainsi celui qui dort et de fait ne voit pas, a la puissance réelle de voir.)

Si au contraire un bien arrive de fait (comme la conversion de Pierre), il faut conclure que Dieu avait de toute éternité efficacement voulu (volonté consé­quente) qu’il arrivât de fait, et qu’il arrivât en Pierre plutôt qu’en Judas[11].

Il suit de là que nul ne serait meilleur qu’un autre (toutes choses égales d’ailleurs), s’il n’était plus aimé efficacement et plus aidé (volonté conséquente) par Dieu ; quoique l’autre (moins aimé) ait évidemment pu recevoir et ait souvent reçu en d’autres circon­stances de plus grandes grâces ; ainsi Judas reçut la grâce de l’apostolat que beaucoup d’élus ne reçurent jamais.

Et donc nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé par Dieu, de volonté conséquente ; c’est le sens de la prédilection divine qui fonde la prédestination (Cf. S. Thomas, Ia, q. XXIII, a. 4). Bannez ne dit ici rien de plus que saint Thomas, et l’on voit de mieux en mieux que la dénomination de Bannézianisme pour désigner le thomisme classique n’est qu’une mauvaise plaisanterie, comme l’a bien montré le P. N. del Prado De Gratia, 1907, t. III, p. 427-467 : Utrum Bannezianismus sit vera comoedia a Molinistis inventa. Molina parlait plus franchement et reconnaissait que sa doctrine n’était pas celle de saint Thomas. Cf. Concordia, Paris, 1876, p. 152.

Quant à la réprobation négative, elle consiste précisément selon saint Thomas dans la permission divine des péchés, qui de fait ne seront pas remis et surtout du péché d’impénitence finale[12].

On ne peut répondre à cela, comme on l’a fait dernièrement, que la permission du péché est com­mune à l’égard des réprouvés et des élus ; il est clair qu’il s’agit ici de la volonté de permettre le péché qui ne sera pas remis[13].


Conclusion



On voit dès lors que le fondement suprême de la distinction de la grâce de soi efficace et de la grâce suffisante, comme celle de la volonté divine consé­quente et de la volonté antécédente, se trouve en ces deux principes : « Rien n’arrive que Dieu ne l’ait efficacement voulu si c’est un bien, que Dieu ne l’ait permis, si c’est un mal. » - « Dieu ne commande jamais l’impossible, mais rend l’accomplissement de ses préceptes réellement possible, quand ils obligent et dans la mesure où ils obligent et où ils peuvent être connus. »

Si l’on pèse le sens vrai de chacun des termes de ces deux principes, et surtout l’opposition qu’il y a entre efficacement voulu et permis, on voit qu’il y a une distinction réelle entre la grâce efficace, suite de la volonté intrinsèquement efficace de Dieu, et la grâce simplement suffisante, suite de la volonté antécédente et accompagnée de la permission divine du péché. Dans le premier cas, Dieu donne d’agir librement et de façon salutaire. Dans le second cas, il donne la puissance réelle d’agir, mais non pas d’agir effectivement. Dans la grâce suffisante, on ne saurait trop le redire, est offerte la grâce efficace, comme le fruit dans la fleur, comme l’acte dans la puissance, mais si l’on résiste à la grâce suffisante on mérite d’être privé du secours efficace, qu’on aurait reçu sans cette résistance.

Il y a là certes un très grand mystère, comme le dit saint Paul (Rom., IX, 14-24, XI, 33-36). Il rappelle que Dieu peut, sans être injuste, préférer qui il veut ; personne ne lui a donné le premier, pour qu’il ait à recevoir en retour « O altitudo divitiarum sapientiae et scientiae Dei ... Quis consiliarius ejus fuit ? Aut quis prior dedit illi, et retribuetur ei ? »

Ce qui est manifeste en ce clair-obscur, c’est que la question ici posée est celle de l’intime conciliation dans l’éminence de la Déité, de l’infinie justice, de l’infinie miséricorde et de la suprême liberté. Si la grâce de la persévérance est accordée à celui-ci, c’est par l’infinie miséricorde, si elle n’est pas accordée à cet autre, c’est par une juste punition de ses fautes. Chacune de ces perfections divines est infinie, et leur intime conciliation dans l’éminence de la Déité ou vie intime de Dieu ne peut être vue que si l’on voit immédiatement l’essence divine.

Les principes que nous venons d’énoncer et qui s’équilibrent l’un l’autre, nous font pressentir où se trouve le sommet vers lequel ils convergent, mais ce sommet nous reste caché. Au ciel seulement nous verrons l’intime conciliation de ces deux principes : « Omnia quaecumque voluit Deus, fecit » Ps. 134, 6. - « Deus impossibilia non jubet. » Celui qui reçoit de Dieu la puissance réelle d’observer les préceptes ne les observe pas toujours de fait. S’il les observe, il est en cela meilleur évidemment. C’est un signe qu’il a plus reçu.

Il faut donc conclure avec Bossuet : « Apprenons à captiver notre intelligence, pour confesser ces deux grâces (suffisante et efficace), dont l’une laisse la volonté sans excuse devant Dieu, et l’autre ne lui permet pas de se glorifier en elle-même[14]. »

La grâce suffisante nous laisse sans excuse devant Dieu ; pourquoi ? Parce que, nous l’avons dit, en elle la grâce efficace nous est offerte ; mais du fait que l’homme résiste à cette prévenance divine, il mérite d’être privé du secours efficace qui lui était virtuellement offert. La résistance à la grâce est un mal, qui ne vient que de nous ; la non-résistance est un bien, qui n’arriverait pas hic et nunc, si Dieu ne l’avait voulu de toute éternité d’une volonté consé­quente ou efficace.

Mais, pour bien entendre cette doctrine, il faut éviter plusieurs confusions fréquentes chez ceux qui en lisent l’exposé pour la première fois. Ce serait une erreur de penser que les uns ne reçoivent que des grâces efficaces et les autres que des grâces suffisantes. Nous recevons tous ces deux sortes de secours. Même ceux qui sont en état de péché mortel reçoivent de temps en temps une grâce efficace pour faire un acte de foi, un acte d’espérance ; mais souvent aussi ils résistent à la grâce suffisante qui les incline vers la conversion. Les bons serviteurs de Dieu reçoivent souvent des grâces suffisantes, auxquelles ils ne résistent pas, et qui sont suivies de grâces efficaces.

Il faut aussi bien considérer les divers degrés de grâce suffisante. Tout d’abord, la grâce suffisante est loin d’être toujours stérile, ou purement suffisante ; elle est stérilisée par notre résistance ; mais, si celle-ci ne se produit pas, la grâce suffisante, suivie du secours efficace, fructifie, comme la fleur, qui, sous le rayonnement du soleil, produit le fruit qu’elle doit donner.

Les grâces suffisantes sont du reste très variées il y a d’abord les grâces extérieures, comme celle de la prédication évangélique, celle du bon exemple, d’une bonne direction ; il y a ensuite la grâce inté­rieure habituelle ou sanctifiante, reçue au baptême, qui donne le pouvoir radical d’agir de façon méri­toire ; il y a les vertus infuses et les dons du Saint­-Esprit, qui sont autant de principes qui donnent le pouvoir prochain d’agir surnaturellement ; il y a les grâces intérieures actuelles, grâces de lumière qui donnent une bonne pensée, grâces d’attrait qui donnent un bon mouvement, lequel incline vers le bon consentement salutaire, sans nous le faire encore produire[15]. C’est ainsi que nous avons dit plus haut : la grâce qui produit efficacement en nous l’attrition est suffisante par rapport à la contrition.

La grâce suffisante, qui rend possible l’accomplis­sement du devoir, peut donc aller très loin dans l’ordre de cette possibilité réelle. Mais si loin qu’elle aille en cet ordre du pouvoir prochain de produire tel acte salutaire, par exemple la contrition, elle reste distincte de la grâce efficace, qui nous fera produire librement hic et nunc cet acte de contrition. Celui-ci ne se produirait pas de fait, s’il n’avait été voulu éternellement par la volonté conséquente de Dieu[16].

Quand on lit l’exposé de cette doctrine, il arrive souvent qu’on ne remarque pas assez jusqu’où va en nous la grâce suffisante. Quelquefois elle nous a elle nous presse instamment de ne pas résister à une volonté de Dieu, manifestée à plusieurs reprises par un supérieur ou par notre directeur spirituel. Il arrive que pendant un an, deux ans et plus, toutes les circonstances viennent confirmer ce qui nous est ainsi demandé au nom de Dieu ; et pourtant l’âme continue à se laisser tromper par son amour-propre et par l’ennemi du bien ; elle résiste pendant des mois et des mois à la lumière, malgré toutes les prières qu’on fait pour elle, malgré les messes célébrées à son intention. Ces prières et ces messes lui obtiennent des grâces de lumière, qui produisent en elle de bonnes pensées, des grâces d’attrait, qui produisent le bons mouve­ments passagers, mais ces grâces suffisantes se heurtent à la résistance, qui pourrait arriver jusqu’à l’endurcissement du cœur. Alors se réalise-ce qui est dit dans l’Apocalypse III, 19 : « Ego quos amo, arguo et castigo. Emulare ergo, et poenitentiam age. Ecce sto ad ostium, et pulso : si quis audierit vocem meam et aperuerit mihi januam, intrabo ad illum et coenabo cura illo et ipse mecum. »

« Voici que je me tiens à la porte et je frappe » dit le Seigneur. L’âme souvent résiste ; elle le fait par elle-même, le mal ne vient que d’elle. Quand elle cesse de résister, et qu’au moins elle écoute celui qui frappe, c’est déjà Lui, le Seigneur, qui lui donne d’écouter docilement ; et, si elle cesse vraiment de résister, elle sera conduite de grâce en grâce jusqu’à l’intimité divine.

Si elle cesse de résister, la grâce efficace lui sera donnée de plus en plus suave et forte ; suaviter et fortiter, elle pénétrera peu à peu sa volonté, comme la chaleur bienfaisante pénètre peu à peu un corps froid, durci par la gelée. Alors l’âme verra de mieux en mieux que la résistance venait d’elle uniquement ; que la non-résistance est déjà un bien qui vient de l’Auteur de tout bien, et qu’il faut la lui demander par cette prière que dit tous les jours le prêtre à la messe, avant la communion, prière par laquelle il demande la grâce efficace qui porte au bien : « Domine, fac me tuis semper inhoerere mandatis et a te nunquam separari permittas. Seigneur, faites que non seulement je puisse observer vos commandements, mais que je les observe de fait, et ne permettez pas que je me sépare jamais de vous. »

Il est sûr que celui qui observé de fait les com­mandements est meilleur que celui qui, pouvant réellement les observer, ne les observe pas ; celui qui est ainsi rendu meilleur doit en remercier la souveraine bonté. La distinction des deux secours, suffisant et efficace, dont nous venons de parler, est un fondement de l’action de grâces qui doit durer éternellement. Comme le dit saint Augustin, à plusieurs reprises, dans le De praedestinatione sancto­rum, les élus chanteront éternellement la Miséricorde de Dieu et verront comment cette infinie Miséricorde se concilie parfaitement avec l’infinie justice et la souveraine Liberté[17].

La synthèse thomiste a mis ces principes dans tout leur relief, et par là elle conserve l’esprit de la science théologique, qui juge de tout, non pas précisément par rapport à l’homme et à sa liberté, mais par rapport à Dieu, objet propre de la théologie, à, Dieu principe et fin de notre vie naturelle et surnaturelle. La vérité sur Dieu reste ainsi comme le soleil qui doit éclairer nos intelligences et nos volontés dans leur ascension vers l’éternelle vie, vers la vision immédiate de l’essence divine.









[1] Concordia, éd. Paris 1876, p. 51 et 565, et index operis ad verbum : Auxilium. Lessius ajoute : « Non quod is qui acceptat sola libertate sua acceptet, sed quia ex sola libertate illud discrimen oriatur, ita ut non ex diversitate auxilii praevenientis. » (De gratia efficaci, c. 18, n. 7.)

[2] Cf. ALVAREZ, De Auxiliis, l. III, disp. 80, - GONET, Clypeus thom., De voluntate Dei, disp. 4, n° 147. - DEL PRADO, De Gratia et libero arbitrio, t. III, p. 423.

[3] Cf. Ia IIae, q. LXXIX, a. 3 : « Deus proprio judicio lumen gratiae non immittit illis, in quibus obstaculum invenit. »

[4] Cf. Saint Aug., De natura et gratia, c. 43, n. 50 (PL, 44,271) : « Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet facere quod possis et petere quod non possis. » Cf, C. Trid. sess. VI, c. II.

[5] « Si quis dixerit, non esse in potestate hominis vias suas malas facere, sed mala opera ita ut bona Deum operari, non permissive solum, sed etiam proprie et per se, adeo ut sit proprium ejus opus non minus proditio Judae quam vocatio Pauli, an sit. »

[6] Cf. P. L., t. CXXVI, col. 123. Cf. DENZINGER, éd. 17e, p. 145, n° 20, nota 2.

[7] D’où l’expression théologique : « Causalitas divina requisita ad actum physicum peccati praescindit omnino a malitia. »

[8] MOLINA, Concordia, éd. Paris 1876, p. 51, 565.

[9] In Joannem, Tract. 26.

[10] On a récemment reproché aux thomistes de poser une succession en Dieu, du fait qu’ils admettent la prédestination ante praevisa merita. Il est clair qu’ils n’admettent aucune succession en Dieu, puisqu’ils ne reconnaissent en lui qu’un seul acte de volonté, par lequel Dieu veut efficacement les mérites des élus, pour les sauver. Comme le dit saint Thomas, Ia, q. XIX, a. 5 : « Deus non propter hoc vult hoc (il n’y a pas deux actes), sed vult hoc esse propter hoc. » Il veut efficacement les mérites des élus pour leur salut efficacement voulu.

Le principe de prédilection : « nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu » fait manifestement ab­straction de toute succession temporelle.

[11] Il est clair que le canon du Concile de Trente : « liberum arbitrium a Deo motum et excitatum potest dissentire si velit », n’est pas une condamnation de la doctrine de la grâce de soi efficace ; à la rédaction de ce canon collaborèrent le thomiste Dominique Soto et plusieurs augustiniens qui admettaient précisément l’efficacité intrinsèque de la grâce : Celle-ci, loin de violenter notre liberté, l’actualise, et laisse subsister la puissance de résister mais non pas la résistance actuelle. C’est ce qu’a dit saint Thomas par exemple Ia IIae, q. X, a. 4, ad 3um et en beau­coup d’autres endroits. Nul ne peut être en même temps assis et debout, mais celui qui est assis a la puissance réelle de se lever, de même celui qui choisit tel bien particulier a la puissance réelle de le refuser librement. La puissance réelle est distincte de l’acte, la puissance de résister distincte de la résistance actuelle.

Dans son récent traité Anthropologia supernaturalis, de Gratia, Turin 1943, p. 199, Mgr P. Parente confond le sens divisé des thomistes avec celui de Calvin. Calvin disait : sous la grâce efficace ne reste pas la puissance ad oppositum, elle ne reparaît qu’ensuite. Mais les thomistes ne disent rien de pareil. - Mgr Parente propose un syncrétisme, position moyenne entre le thomisme et le molinisme ; or il n’y a pas de milieu possible entre ces deux propositions contradictoires : Dieu connaît les futuribles libres aut ante aut non ante decretum suum. Dieu est déterminant ou déterminé, pas de milieu.

[12] Ia, q. XXIII, a. 3 : « Reprobatio includit voluntatem permittendi aliquem cadere in culpam (réprobation négative) et inferendi damnationis poenam pro culpa » (réprobation positive).

[13] On ne peut dire non plus : Dieu n’est pas cause du péché, et pourtant il le prévoit infailliblement ; donc il peut prévoir infailliblement l’acte salutaire, sans en être cause.

Il est clair que rien de positif ne peut exister en dehors de Dieu sans avoir un rapport de causalité ou de dépendance vis-à-vis de lui. Dieu est ainsi cause de tout l’être et de toute la bonté de l’acte bon ; il est cause aussi de l’être de l’acte mauvais, mais non pas du désordre de celui-ci. Ce désordre est seulement permis, et c’est dans son décret permissif que Dieu le connaît.

[14] BOSSUET, Œuvres complètes, Paris 1845, t. I, p. 644 (opuscule), et index général de ses œuvres, au mot grâce. - Item La Défense de la Tradition, l, XI, ch. 19 à 27.

[15] Le Père Norbert del Prado expose bien ces divers degrés de grâce suffisante dans son grand ouvrage De Gratia et Libero arbitrio, Fribourg, 1907, t. II, p. 5 à 23. On voit par ce qui est dit en ces pages que la grâce qui est de soi efficace par rapport à l’acte imparfait, est suffisante par rapport à un acte plus parfait qui doit suivre. Le secours qui porte efficacement à une bonne pensée, est suffisant pour un bon mouvement de volonté ; celui qui produit en nous ce bon mouvement est suffisant par rapport au bon consentement.

[16] Nous avons montré ailleurs, La Prédestination des saints et la grâce, p. 387-389, que les thomistes Gonzalès, Bancel, Guillermin, qui ont accordé le plus possible à la grâce suffisante, ont maintenu ce point de doctrine, qui dans le thomisme est essentiel : saint Thomas dit Ia, q. XIX, a. 4 : « Effectus determinati ab infinita Dei perfectione procedunt secundum determinationem voluntatis et intellectus ipsius. » Voilà le décret divin ; cette terminologie, on le voit, est bien antérieure à Duns Scot, quoi qu’en disent plusieurs aujourd’hui.

[17] La théologie de l’avenir fera-t-elle beaucoup de découvertes en cette question ? Nous cn doutons fort ; ce problème a été examiné depuis des siècles par les plus grands esprits. En tout cas, la théologie de l’avenir devra toujours tenir compte du principe suprême : « Omnia quaecumque voluit Deus, fecit. » (Ps. CXXXIV, 6) - Nihil enim in caelo vel in terra fit, nisi quod ipse Deus propitius facit, aut fieri juste permittit. La cause première du mal est certes en nous ; la déficience provient de la défectibi­lité ; mais elle ne se produirait pas, sans la permission divine du mal, qui est permis par Dieu pour un bien supérieur, dont lui seul est juge. Dieu reste cause première et fin ultime de tout bien, sans aucune exception. Rien de positif et de bon ne peut exister en dehors de Dieu sans un rapport de causalité ou de dépendance à l’égard de Dieu, autrement les preuves mêmes de son existence (fondées sur ce rapport de causalité) sont compromises. Dieu est très certainement, selon la raison et selon la foi, l’auteur de tout bien sans aucune exception.