Véritable réactionnaire, ennemi acharné du libéralisme de la Révolution française de 1789, a fortiori de la révolution jacobine de Robespierre, le comte Joseph de Maistre consacre sa vie et son oeuvre (§ 1) à lutter contre les Lumières lucifériennes, pour l'unité nationale par l'ordre divin et l'expiation des péchés (§2).
§ 1. La vie et l'oeuvre
Le comte Joseph de Maistre est né à Chambéry en 1753. Son père était président du Sénat de Savoie, province alors dépendante du royaume de Sardaigne.
Lui-même fut magistrat puis sénateur.
En 1792, lors de l'invasion française, il quitte son pays pour se réfugier en Suisse puis à Turin, capitale du royaume.
De 1803 à 1817 il représente à Saint-Pétersbourg, comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, le roi de Sardaigne, son prince, Victor-Emmanuel 1er.
Revenu à Turin en 1817, il est nommé premier président des Cours Suprêmes. Il décède à Turin en 1821.
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Homme de cabinet, il consacre de nombreuses heures par jour à l'écriture.
Aussi ses oeuvres complètes comprennent-elles 14 volumes (Lyon 1884-1887). Il écrit notamment :
- De la souveraineté (publié en 1870) ;
- Considérations sur la France, 1796 ;
- Essai sur le principe générateur des constitutions politiques, 1814 ;
- Du Pape, 1819 ;
- De l'Eglise gallicane, 1821 ;
- Soirées de Saint-Pétersbourg, 1821.
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§ 2. Pour l'unité nationale par l'Ordre divin et l'expiation des péchés
A/ L'unité nationale
Selon le comte Joseph de Maistre, magistrat monarchiste catholique, le mal est dans l'homme, et il est incommensurable :
"Commençons par examiner le mal qui est en nous, et pâlissons en plongeant un regard courageux au fond de cet abîme ; car il est impossible de connaître le nombre de nos transgressions, et il ne l'est pas moins de savoir jusqu'à quel point tel ou tel acte coupable a blessé l'ordre général et contrarié les plans du législateur éternel" (Soirées, I,214).
Le mal c'est la division, c'est l'unité brisée, unité qui est voulue par Dieu. Or pour remédier au mal et à la division, l'on ne peut compter sur l'homme lui-même, qui est mauvais, entaché du péché originel.
Il n'y a que deux moyens de salut, un moyen préventif, l'autorité, et un moyen curatif, l'expiation.
L'autorité est la condition du maintien de l'unité. Il faut que la société religieuse et la société civile soient soumnises à l'ordre voulu par la providence divine.
Le moyen dans la société religieuse est 1'infaillibilité pontificale et dans la société civile la souveraineté.
C'est Dieu qui souhaite que les hommes soient regroupés par affinités naturelles en sociétés hiérarchisées, en nations.
Les peuples n'ont pas le choix. La souveraineté résulte directement de la nature humaine mais c'est Dieu le créateur de cette nature. "C'est une loi du monde physique : Dieu fait les rois au pied de la lettre" (Oeuvres complètes, I.232).
Chaque nation a son caractère, et ce caractère fait son type de gouvernement. L'homme ne saurait constituer un nouveau type de gouvernement par sa libre détermination, il usurpe ainsi le gouvernement voulu par Dieu.
La Révolution française ne peut être que "satanique" puisqu'elle entend mettre l'homme à la place de Dieu.
Le oaractère national est constitué d'un ensemble de maximes religieuses et politiques qui sont devenues des "dogmes nationaux" et qui font une "raison nationale".
Le souverain a pour devoir d'en imposer le respect par les prêtres, les hauts fonctionnaires, les magistrats.
Les savants n'ont pas d'autres obligations que de subordonner leur science à cette "raison nationale" qui vient tempérer les excés de la raison individuelle.
L'homme s'agite et Dieu le mène. C'est l'action continuelle de la Providence qu'il faut avoir toujours en vue. C'est pourquoi les actes des hommes, y compris les plus criminels, sont à considérer quant à leurs effets profonds.
Les hommes sont pris dans un tourbillon social qui les dirige sans qu'ils s'en doutent, qui leur impose leurs pensées, leurs sentiments et leurs actes.
B/ L'Ordre divin et l'expiation des péchés
Ainsi va la vie des Nations sous l'impulsion de Dieu, et le mal lui-même, voulu par la Providence divine, oeuvre pour, en définitive, le triomphe du bien.
Car malgré l'autorité divine et humaine, le Pape et le Souverain, l'homme continue à pécher, à faire le mal.
Il faut donc que l'être humain expie.
Il faut qu'il expie par le sang, pour que le bien triomphe, et que le repenti gagne son salut.
C'est que le sang versé par le bourreau, cet envoyé de Dieu, cet indisnensable gardien de l'intégrité nationale, ce soutien de l'ordre, est la condition nécessaire de l'unité politique.
De même le sang versé sur les champs de bataille, les mille souffrances qui assaillent 1'humanité, les massacres, les morts violentes, les maladies, en faisant disparaître par la souffrance les souillures de nos péchés et de nos crimes, sont les moyens employés par la Providence divine pour ramener les hommes à l'unité, au bien.
L'innocent lui-même, qui souffre, expie pour le coupable ; et de même que Jésus-Christ a donné sa vie innocente pour racheter les péchés du monde, la victime innocente donne son sang pour le coupable :
"Le juste souffrant volontairement. ne satisfait pas seulement pour lui-même, mais pour le coupable qui, de lui-même, ne pourrait s'acquitter" (Soirées, p. 130).
Texte de Denis Touret