Renaissance, réforme et révolution
ou l’histoire de la lutte entre l’Eglise et le Temple...
par l'abbé J. Olivier
Introduction
Nous abordons ici un sujet d’histoire, ou plus exactement de philosophie de l’histoire. Pour bien le cerner, il nous faut aborder certaines données philosophiques, voire théologiques concernant l’Homme.
La civilisation chrétienne et la civilisation moderne sont deux conceptions de la fin dernière de l’Homme diamétralement opposées.
"Le but de tout homme est d’être heureux" dit Bossuet. Or, si le bonheur se trouve en Dieu créateur et maître de toutes choses, c’est au libre-arbitre de chaque homme de choisir ou il veut le trouver... Depuis la faute originelle, l’humanité est fourvoyée sur la route de l’orgueil, qui lui fait mettre sa fin en elle-même. (cf. les diverses civilisations antiques...) Puis, le Sauveur s’est incarné pour montrer à nouveau aux hommes la voie salvifique du vrai bonheur. L’amour du prochain, même de ses ennemis, le pardon, bref, les huit béatitudes renversèrent les idées reçues jusqu’alors. Et l’Eglise perpétua et propagea ces vérités à la face de la terre.
Alors, du Ier au XIIIème siècle, les peuples grandirent en sagesse et en science devant Dieu, au fur et à mesure de l’application dans la société des principes évangéliques. Certes, il y eut parfois des défaillances et même des reculs non négligeables, mais la Loi, la Règle de référence à laquelle revenaient les hommes dès la fin de leurs égarements était l’Evangile du Christ-Roi.
Avant de poursuivre, faisons rapidement le point sur ce qu’était alors la Civilisation Chrétienne. "A mesure que l’esprit chrétien pénétrait les âmes et les peuples, âmes et peuples montaient dans la lumière et dans le bien. Les coeur devenaient plus purs, les esprits plus intelligents. Les intelligents et les purs introduisaient dans la société un ordre plus harmonieux. L’ordre plus parfait rendait la paix plus générale et plus profonde ; la paix et l’ordre engendraient la prospérité, et toutes ces choses donnaient ouverture aux arts et aux sciences, ces reflets de la lumière et de la beauté des cieux."(Mgr Delassus). Et n’est-ce pas là l’expression de l’Evangile : "Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît"(1Tim IV 8).
L’oeuvre du moyen-age fut de réformer la société antique, et de faire triompher l’idée que Jésus-Christ avait donné de la vraie civilisation. Pour y arriver, elle s’attacha à réformer le coeur de l’homme ; puis vint la réforme de la famille ; puis l’ensemble des familles réforma l’état et la société.
Cette ascension des nations vers la perfection eut son sommet au XIIIème siècle, avec St Louis de France et Ste Elisabeth de Hongrie, St François d’Assise, St Dominique et St Thomas d’Aquin. Mais déjà vers la fin du XIVème siècle se manifesta un certain recul, qui devait amener, après les temps obscurs du XVème (guerre de cent ans, pestes...) à la Renaissance, puis à la Réforme et à la Révolution. Ces étapes progressives construiront les différents aspects de la civilisation moderne.
Celle-ci, pour sa destruction de la chrétienté suivra le chemin exactement inverse de celui suivi pour sa construction : Les attaques seront tout d’abord contre l’Etat, puis contre la famille, puis contre l’individu... Satan n’est-il pas "le singe" de Dieu, qui retourne toute la symbolique du plan divin ? Le Temple païen est l’Eglise renversée, comme la civilisation moderne est la civilisation chrétienne inversée, transformée, détournée.
On peut d’ores et déjà qualifier cette civilisation par les mots conflit, guerre. Il s’agit bien en effet "de la poursuite par tous de toutes les jouissances, la guerre pour se les procurer, d’homme à homme, de classe à classe, de peuple à peuple."(Mgr Delassus). On voit déjà ici combien est lointaine la morale évangélique...
On pourrait résumer ainsi :
- civilisation chrétienne = mériter
- civilisation moderne (païenne) = jouir
La Renaissance
Définitions :
Renaissance = Humanisme.
"La renaissance est l’indépendance de la morale vis-à-vis de la loi de Dieu"(Mgr Delassus)
"La renaissance est la dissociation de la nature et de la grâce, l’affirmation de la beauté et de la bonté de la nature sans la grâce"(Marcel Clément).
"A Dieu doit être laissé le soin des choses divines, au juge humain la compétence pour les choses humaines..." (Alberti, promoteur de la Renaissance au XVIème siècle).
Quelques pistes de réflexion...
Un écrivain du siècle dernier raconte ainsi les débuts de la Renaissance :
"Dans une époque de relâchement, d’affaissement à peu près général de la vie religieuse (XVème), d’affaiblissement de l’autorité des papes (Avignon), d’invasion de l’esprit mondain dans le clergé, de décadence de la philosophie et de la théologie scholastique, de désordre effroyable dans la vie civile et politique, on mit sous les yeux d’une génération surexcitée les déplorables leçons de la littérature antique. Sous l’influence d’une admiration excessive pour celle-ci, on arbora franchement l’étendard du paganisme. Les adhérents de cette réforme prétendirent tout modeler sur l’antiquité, les moeurs aussi bien que les idées, et ils rétablirent la prépondérance de l’esprit païen. Ils considéraient leur philosophie antique et leur foi en l’Eglise comme deux mondes entièrement distincts et sans aucun points de contacts."
Ils voulaient que l’Homme prenne son bonheur sur la terre et que la société s’organise pour procurer à chacun de quoi satisfaire pleinement tous ses sens.
Ainsi, l’homme changea sa conception de sa fin. "A l’Homme déchu et racheté, la Renaissance opposa l’Homme ni déchu ni racheté, s’élevant à une admirable hauteur par les seules forces de sa raison et de son libre-arbitre."(M. Bériot)
On est ici bien loin de la conception chrétienne qui affirme que le coeur est pour aimer Dieu, l’esprit pour le connaître et le corps pour le servir...
Les succès humains que furent les nouvelles inventions (imprimerie, poudre, télescope...), la découverte du Nouveau Monde, la (re)découverte des oeuvres antiques grisèrent alors l’orgueil de l’Homme, et lui firent affirmer que seule la Raison peut le gouverner.
Les ravages de la renaissance se manifestèrent en premier lieu dans l’ordre esthétique et intellectuel. L’art, la littérature et la science se retirèrent peu à peu du service de l’âme, pour servir le corps et ses passions.
La révolution morale était en marche, et elle allait déboucher sur la révolution religieuse : la Réforme.
La Réforme
Définitions :
"La Réforme est l’indépendance de la raison vis-à-vis de la révélation"(Mgr Delassus)
"La Réforme est le divorce de la raison humaine et de la raison divine, le libre-examen de l’individu se dressant contre la grâce miséricordieuse du magistère exercé par le vicaire du Christ" (Marcel Clément).
Quelques pistes de réflexion...
Il convient de bien distinguer deux choses dans la Réforme :
- les nouvelles idées religieuses, qui veulent "réformer l’Eglise et lui faire retrouver sa pureté originelle"(Luther).
- le phénomène de prise de pouvoir politique dans certains pays européens par des protestants...
Les idées humanistes, appliquées dans le domaine de la religion vont conduire au libre-arbitre. Pourquoi en effet, l’Homme se soumettrait-il aux données de la Révélation pour ce qui est du domaine religieux, puisqu’il affirme que Dieu n’a aucune autorité sur ce qui ne touche pas à la Foi ? Chaque homme est capable par sa propre raison de définir ce qui est vrai dans la Foi : c’est le libre-arbitre, prôné par Luther, Calvin... Plus aucune place ici pour l’interprétation de la Parole divine par une quelconque autorité
Après l’étape de la laïcisation de la société qu’est la Renaissance, les "réformateurs" passent à la "laïcisation" de la religion, en lui ôtant tout ce qu’elle a de Divin...
De surcroît, la "religion" protestante "assurait une plus grande liberté dans la conduite privée". En promettant le paradis à tout homme, même le plus criminel, sous la seule réserve d’un acte de foi intérieur (possible seulement aux prédestinés), la Réforme s’assurait un certain succès chez des individus aux moeurs déjà corrompues par la Renaissance...
"Employez votre pouvoir à ma soutenir et à faire triompher ma révolte contre l’Eglise, et je vous livre toute l’autorité religieuse" disait Luther aux princes protestants. On comprend alors la rapidité et l’efficacité de la Réforme en Allemagne, en Angleterre et en Scandinavie. Si la France résista victorieusement à ces assauts, ce ne fût que de justesse, après cinquante années de guerres, menées grâce à l’enracinement très profond des principes chrétiens en la fille aînée de l’Eglise.
Mais "le régime de Genève", type et vitrine de la démocratie laïque, (où le roi règne et ne gouverne pas, car le peuple est souverain...) contenait déjà les prémisses de la Révolution française, et les idées de celui-ci se répandaient pernicieusement, au fil des ans...
La Révolution
Définitions
"La révolution a pour but de façonner un homme nouveau, en détruisant la constitution chrétienne de la France" (Constitution de 1792)
"La révolution est inspirée par Satan lui-même ; son but est de détruire de fond en comble l’édifice du christianisme, et de reconstruire sur ses ruines l’ordre social du paganisme" (Pie IX)
Pistes de réflexion
En quelques mois, la révolution fit table rase du gouvernement, des lois et des institutions de la France.
Elle détruisit successivement tous les ordres qui retenaient la France à sa tradition chrétienne multiséculaire. Elle mit hors d’état de nuire le clergé, puis elle supprima le roi et les nobles, enfin, elle détruisit les corporations ouvrières. Et la République fut proclamée... c’était la révolution politique.
Jetons un voile pudique sur toutes les horreurs dont furent accompagnées ces destructions successives, et que chacun connaît un peu ; disons seulement que beaucoup de sang coula...
Après ces destructions, il fallait rebâtir :
Les révolutionnaires donnèrent pour fondement à la nouvelle société le principe de "l’homme bon par nature"(Rousseau). Là-dessus fut élevé la trilogie maçonnique : Liberté, Egalité, Fraternité.
- Liberté, à tous et pour tout, puisqu’il n’y a en l’homme que de bons instincts...
- Egalité, parce que tous sont également bons, donc ont des droits égaux en tout...
- Fraternité, en rupture de toute barrière entre les individus, familles ou nations, pour laisser le genre humain s’embrasser dans une république universelle...
A la religion catholique fut substitué le culte de la Nature. Elle avait un dieu : l’Etre Suprême, et une déesse, la Raison ; elle avait des dogmes : la liberté, la volupté, la loi et la nation.
Ainsi, "l’homme put revenir à la pureté et à la simplicité de la Nature." (Talleyrand)
A la royauté fut substitué la démocratie révolutionnaire, pour perpétuer les réformes. Tout ce qui pouvait rappeler l’ancien temps fut proscrit (jusqu’au calendrier)...
Les résultats furent épouvantables. L’Homme retourna à l’état d’animal, et au bout de dix ans, la France était retournée aux temps les plus barbares de son histoire. Réalisme chrétien et utopisme révolutionnaire...
Alors arriva fort opportunément Napoléon, qui sauva la révolution de sa propre ruine en l’endiguant. Il rétablit l’Eglise de France par le concordat, mais ne rétablit point la civilisation chrétienne... Les institutions révolutionnaires perdurèrent. Et au fil du temps, la révolution continua et continue toujours à saper le règne du Christ pour instaurer toujours davantage celui de Satan.
Et notre siècle n’est que la continuation du précédent, fondé sur les mêmes idées, qui progressent sans cesse. Les racines de notre mal sont profondes...
Conclusion
La Renaissance déplaça le lieu du bonheur, et changea ses conditions : il était en notre monde et non plus dans l’autre, il était par la jouissance et non plus par le mérite.
La Réforme écarta l’autorité religieuse qui disait : "Vous vous trompez, le bonheur est au ciel". Seule, la Bible restait pour affirmer la Vérité...
La Révolution nia que Dieu eut jamais parlé aux hommes, et noya dans le sang ceux qui continuaient à affirmer la vérité. Puis elle institua le culte de la Nature.
Toutes ces transformations profondes de la civilisation, toute ces attaques contre l’Eglise du Christ ne se firent toutefois point sans résistance. Beaucoup d’âmes restèrent et restent toujours attachées à l’idéal chrétien de la civilisation chrétienne du Christ-roi. Et c’est de là que viennent les innombrables conflits d’idées depuis près de cinq siècles...
"Toute civilisation qui ne vient pas de l’idée de Dieu est fausse.
Toute civilisation qui n’aboutit pas à l’idée de Dieu est courte.
Toute civilisation qui n’est pas pénétrée de l’esprit de Dieu est froide et vide"
"Et les portes de l’enfer ne prévaudront pas sur Elle..."
Bibliographie
- La conjuration antichrétienne Mgr H.Delassus Ed DDB (épuisé)
- Histoire de France J. Bainville (Chiré)
- Histoire partiale, histoire vraie J. Guiraud Ed Beauchesne (4vol)
- Pour en finir avec le moyen-âge R. Pernoud
- Connaissance élémentaire du protestantisme, AFS (nbx articles dans la revue)
- La révolution française P. Gaxotte
- L’Eglise face à la révolution J. Crétineau-Joly Ed C.R.F. (Chiré)
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